Star du poker, avocat ou consultant : comment les députés européens arrondissent leurs fins de mois

31% des 751 eurodéputés élus en 2014 qui ont eu des activités rémunérées en dehors de leur mandat ont gagné 41 millions d’euros, montre une étude de Transparency International.

L’ONG, qui se surnomme elle-même la “coalition anti-corruption”, a épluché près de 2000 “déclarations d’intérêt”, et publié une liste de 1 366 activités secondaires déclarées par les députés depuis leur prise de fonction en 2014.

Star de poker, avocat, ou administrateur

Son analyse révèle que le champion des revenus annexes est l’Italien Renato Soru, qui a perçu plus de 1,5 million d’euros au titre de son poste de directeur de Tiscali, un fournisseur d’accès à Internet. Il est suivi de l’eurodéputé lituanien Antanas Guoga, qui est aussi une star du poker mondial. Il a ratissé au moins 1,35 M € provenant de ses gains aux tables de jeu et de ses activités d’entrepreneur. Il est notamment membre du conseil d’administration et conseiller d’une société nommée Grand Cannabis International, mais aussi de sites de jeux, de poker, et d’une société de vêtements de sports. Il a également perçu 200 000 euros mensuels “mystérieusement extraits de son activité de banque de cryptomonnaie utilisant la technologie blockchain”, écrit Euractiv.  

Notre ex-Premier ministre, Guy Verhofstadt, 65 ans, négociateur du Brexit au Parlement européen, figure en troisième position de ce palmarès. Amateur de voitures de course britanniques, Verhofstadt, qui possède un vignoble toscan, a gagné entre 920 000 et 1,45 million d’euros, principalement en tant que membre du conseil d’administration de Sofina, une société d’investissement belge, mais aussi de ses prises de parole.

Le Français Renaud Muselier, actif dans le milieu médical, et sa compatriote Rachida Dati, qui est avocate, complètent le top 5, avec des revenus annexes minimum respectifs de 800 000 euros et 768 000 euros.

Parmi les députés belges, la proportion de ceux qui arrondissent leurs fins de mois avec ces activités annexes atteint 62 %, ce qui les classe 3èmes, derrière les Autrichiens (56 %) et les Danois (54 %), et avant les Français (51 %).

Des salaires pourtant confortables… assortis d’enveloppes qui ne nécessitent pas de notes de frais

Les députés gagnent déjà 101 808 € par an en moyenne, avant un taux d’imposition réduit de 22 % pour les fonctionnaires de l’UE. Outre leurs indemnités pour couvrir leurs frais de personnel, ils bénéficient mensuellement d’une enveloppe de 4400 euros qui leur est allouée pour les aider à couvrir leurs dépenses de frais généraux, et pour laquelle ils n’ont pas à fournir de justificatifs de dépenses.

Mais certains parviennent à doubler, voire à tripler ces gains, et entre 2014 et 2018, sur les 714 d’entre eux qui ont déclaré avoir des activités annexes, 104 ont déclaré avoir perçu plus de 100 000 euros cumulés au titre de ces activités, en plus de leur salaire de parlementaire.

Des risques bien réels de conflits d’intérêts

Transparency International met également en garde contre le manque de garde-fous pour encadrer de ces activités annexes rémunérées, qui posent pourtant parfois un risque bien réel de conflits d’intérêts.

Les principaux intéressés invoquent la nécessité de conserver un lien avec leur métier d’origine, qui leur permettra, le moment venu, de reprendre celui-ci à la fin de leur mandat. D’autres évoquent le besoin de garder le contact avec leur électorat.

La création d’un code de conduite en 2011, à la suite d’un scandale de corruption, aura finalement eu peu d’effets sur les habitudes des eurodéputés. Même si le comité d’éthique a été saisi à 24 reprises sur les 5 dernières années, aucune sanction n’a été prononcée à l’égard des contrevenants.

Transparency International souligne également que certaines déclarations d’activités assez vagues, telles que “consultant, avocat ou freelance” devraient susciter l’inquiétude, quand elles sont assorties de revenus élevés. “Trois eurodéputés exercent actuellement une activité rémunérée pour des organisations inscrites dans le registre européen des lobbies”, précise l’Organisation, qui précise qu’il s’agit de la Luxembourgeoise Viviane Reding “membre du conseil d’administration de la Fondation Bertelsmann, l’une des plus grandes entreprises de médias au monde” et qui a des intérêts dans les médias luxembourgeois, d’Agnes Jongerius, “eurodéputée néerlandaise qui figure au conseil de surveillance de PostNL, la poste des Pays-Bas” et de Paul Rübig, qui “travaille pour la chambre du commerce autrichienne”.

L’étude critique le système de surveillance “particulièrement faible” de l’UE, en comparaison de ce qui existe au Canada, aux Etats-Unis ou même en France. Par exemple, il est interdit pour les membres du Congrès américain d’exercer des activités rémunérées dans des domaines présentant des risques de conflits d’intérêts. 

Plus