Dominique Leroy peut-elle continuer à diriger Proximus si elle passe à la concurrence et laisse le chaos derrière elle?

Les syndicats de Proximus exigent le départ immédiat de son CEO, Dominique Leroy. Celle-ci a annoncé son recrutement chez le géant néerlandais des télécommunications KPN, mais elle restera en poste jusqu’au 1er décembre. De plus, il semblerait qu’elle fasse l’objet d’une enquête pour délit d’initié : en août, elle a soudainement vendu un important paquet d’actions Proximus. Autant de signes du profond malaise que Leroy laisse derrière elle chez Proximus.

Un CEO d’une entreprise de télécommunications d’une telle envergure, en pleine transition, doit-il expliquer aux syndicats comment une réorganisation devrait se dérouler, puis annoncer simplement son départ chez un concurrent direct étranger direct et agir encore pendant deux mois comme si de rien n’était ? C’est exactement ce qui se passe avec le grand patron de Proximus et son conseil d’administration.

Ils doivent poser de sérieuses questions dans les prochaines 48 heures. Car KPN, le joueur hollandais dirigé par l’ancien patron de Telenet Duco Sickinghe, n’est bien sûr pas n’importe quelle autre entreprise. Les deux, Proximus et KPN s’observaient déjà régulièrement. Et même s’ils sont présents sur d’autres marchés, il y a toujours de la concurrence.

Tout indique que Leroy  s’était certainement abstenue d’avertir le président de Proximus qui est aussi l’ancien dirigeant de CD & V, Stefaan De Clercq. Mais il est urgent de se poser de sérieuses questions concernant la bonne gouvernance. Le conseil d’administration peut-il laisser tout cela se produire passivement ? Parce que c’était un secret de Polichinelle que Leroy cherchait une issue. La grande transition numérique qu’elle a lancée chez Proximus n’a pas été facile. Le sentiment général dans le secteur était que Leroy avait attendu beaucoup trop longtemps et qu’elle n’avait manifestement pas la force et les tripes de son prédécesseur Didier Bellens. Leroy se concentrait principalement sur l’image et la stratégie de marque, en particulier la sienne.

Un délit d’initié ?

Par dessus le marché, Leroy fait également l’objet d’une enquête sur un possible délit d’initié. Le 1er août, la CEO de Proximus a soudainement vendu 10 840 actions Proximus pour un montant de 285 342,40 euros. C’est ce qui ressort d’un rapport publié sur le site Web de la FSMA le 6 août. Les entreprises cotées en bourse sont tenues de déclarer toutes les transactions boursières supérieures à 5 000 euros.

Mais Leroy savait-elle déjà en août, il y a quelques semaines, qu’elle partait ? Si c’est le cas, il y a le risque qu’une autre ombre noire plane sur sa sortie : l’image d’une CEO cupide qui passe une fois de plus devant la caisse enregistreuse se fera jour. Parce qu’elle aurait tout aussi bien pu attendre jusqu’à sa sortie. Encore une fois: la rumeur sur le départ de Leroy circulait depuis des mois.

Le fait que les syndicats veulent de la clarté, et surtout qu’ils veulent achever la transformation avec un nouveau CEO, est tout à fait naturel. Tout le monde veut s’asseoir avec le vrai patron, pas avec quelqu’un qui sera avec la concurrence dans les 3 mois.

Un maigre bilan pour le consommateur

Dans les portraits d’adieu parus ces derniers jours sur Leroy, qui a toujours pris soin de ses relations publiques, une certaine presse financière fait beaucoup d’éloges. Bien sûr, le bilan du CEO de Proximus pour le consommateur, les centaines de milliers de clients du géant belge des télécoms, a été largement négligé.

Et ce bilan est particulièrement maigre. Les consommateurs belges paient pourtant un montant ridicule pour leurs télécommunications : la Belgique est le pays le plus cher de l’UE pour les données mobiles. En conséquence, le résultat est à la hauteur : l’utilisation en Belgique est remarquablement basse. Le groupe de surveillance des télécommunications, l’IBPT, l’a également confirmé : son récent rapport montrait une nouvelle fois que les consommateurs belges doit payer pour assurer les fortes marges des deux grands opérateurs télécoms, Proximus et Telenet.

Leroy n’a pas voulu réduire ses coûts d’exploitation pour mieux servir les consommateurs et la société. Au contraire, elle n’a lutté que pour obtenir son duopole. Lorsque le gouvernement Michel a décidé d’admettre un quatrième acteur sur le marché des télécommunications pour les nouvelles licences 4G et 5G, cela a soulevé un tollé. Avec l’aide de la même presse économique dans la poche, on a évoqué toute une histoire à propos de possibles pertes d’emplois. Le fait que le CEO de Proximus aurait dû anticiper, en proposant un plan de transition beaucoup plus rapidement et en réduisant les coûts, n’a pas du tout été mentionné.

On observe une attitude similaire concernant le dossier de la neutralité du net. Ce principe fondamental de «l’égalité pour tous sur Internet» a été attaqué par Leroy. Ce faisant, elle s’est mise dans le camp des grands lobbyistes des télécommunications du monde entier, qui ont trouvé une oreille attentive avec Donald Trump. En Europe, cette guerre continue de jouer en faveur de la neutralité du net pour le moment.

La question est de savoir comment procéder maintenant. Après la demande des syndicats de faire leurs adieux immédiatement, et surtout compte tenu d’une enquête pour délit d’initié, la belle image du départ a maintenant été écornée. Le cours de KNP a également fortement chuté vendredi. Il faudrait rapidement mettre un terme à cette affaire, en évitant de causer davantage de dégâts à toutes les parties. 

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