Le Portugal offre des cadeaux fiscaux aux émigrés prêts à rentrer au pays

Après avoir ciblé les investisseurs et les émigrés diplômés, le Portugal tente maintenant d’inciter les autres émigrés à revenir au pays. Avec le programme « Regressar » (‘Retour’), le pays tente de lutter à sa manière contre la pénurie de main d’oeuvre à laquelle il est confronté. 

Le programme Regressar (retour) s’adresse aux personnes qui étaient autrefois résidentes du Portugal, mais qui en sont parties pendant au moins trois ans, et envisagent maintenant d’y revenir. Dans le cadre de ce programme, les bénéficiares profiteront d’une réduction de moitié de leurs impôts sur le revenu pendant cinq ans. En cas d’embauche par une entreprise établie au Portugal, ils revevront également une indemnité de 6500 euros pour les aider à faire face aux frais de déménagement et aux formalités administratives correspondantes.

En outre, les anciens résidents vivant à l’étranger pourront s’inscrire auprès de l’agence portugaise pour l’emploi afin qu’elle les aide à trouver un poste au Portugal.

Une fuite des cerveaux massive

Les jeunes Portugais ont été parmi les plus durement touchés par la crise financière de 2008, et les mesures d’austérité imposées dans le cadre du plan de sauvetage de 78 milliards d’euros dont le pays a bénéficié en 2011. Le taux de chômage a culminé à 17 %, et même à 37 % chez les jeunes.

Ces difficultés ont déclenché une fuite des cerveaux. Selon les officiels et les chercheurs, plus de 100.000 personnes, pour la plupart diplômées, auraient quitté le pays chaque année entre 2011 et 2014. Cela correspondait à un départ toutes les 5 minutes, un rythme comparable à celui que connaissait l’Irlande à la même époque.

Aujourd’hui encore, 14 % des personnes nées au Portugal vivent à l’étranger, ce qui lui vaut la 3e place sur  la liste des pays comptant le plus grand nombre de natifs vivant à l’étranger, derrière l’Irlande et la Nouvelle Zélande.

Aujourd’hui, une pénurie de main d’oeuvre

Le vieillissement de la population n’arrange rien. Depuis 2010, la population du pays s’est réduite de 300 000 personnes, soit une contraction de 3 %. La plus grande partie de cette baisse s’explique par la baisse de la natalité, qui ne compense désormais plus le nombre de décès. Mais l’exode des Portugais pendant la crise est aussi un facteur important.

Désormais, le taux de chômage est retombé en dessous de 7 %, et les entreprises se plaignent maintenant des difficultés qu’elles rencontrent pour recruter du personnel qualifié et non-qualifié.

Le Premier ministre António Costa a déclaré que l’immigration était essentielle pour surmonter la crise démographique de son pays. Récemment, il a également exhorté l’Europe à « se mobiliser contre le populisme et la xénophobie ».

Un éventail de cadeaux fiscaux pour inciter les installations au Portugal

Son pays a déjà mis en place un éventail de programmes assortis de cadeaux fiscaux à l’adresse des professionnels qualifiés des secteurs scientifique, technique et artistique, et des entreprises prêtes à investir dans le pays.

De même, les non-Européens prêts à investir 500 000 € dans une propriété, ou à créer un certain nombre d’emplois peuvent bénéficier d’un « visa doré », sorte de « carte de séjour pour les investisseurs ». Il leur confère un accès direct à l’espace Schengen pendant cinq ans.

Une réglementation spéciale est aussi prévue pour les retraités, et les Portugais qualifiés partis vivre dans un autre pays depuis au moins 5 ans. Les candidats à ces largesses doivent avoir eu une résidence officielle au Portugal pendant aumoins 5 ans et prouver qu’ils ont séjourné dans le pays au minimum 183 jours.

En 2017, 7.040 étrangers se sont installés au Portugal en raison d’une fiscalité intéressante, soit une augmentation de 83 % par rapport à l’année précédente. En 2018, 93 000 étrangers se sont installés au Portugal, portant à 500 000 l’effectif des résidents étrangers du pays, un record. Les investissements provenant d’investisseurs étrangers ont dépassé les 3 milliards d’euros, et ont atteint leur niveau le plus élevé en 10 ans.

Près de 1700 personnes provenant de 72 pays se sont déjà inscrites sur le portail du gouvernment destiné à les aider à trouver du travail au Portugal, dans le cadre du prorgramme Regressar.

Il faudra d’autres arguments pour convaincreux

Le Portugal n’est pas le seul pays européen à mettre en place des mesures pour favoriser le retour de ses émigrés. La Pologne a récemment supprimé l’impôt sur le revenu des employés de moins de 26 ans. La mesure vise à attirer une parte des 1,5 million de personnes qui ont quitté le pays depuis son adhésion à l’Union européenne, en 2004.

Une récente enquête menée dans 14 pays de l’UE par le Conseil européen sur les relations extérieures (ECFT) révèle qu’en Italie, en Roumanie et en Espagne, les départs de leurs compatriotes inquiètent bien plus les citoyens que l’arrivée d’immigrants. Certains jugent même qu’il faudrait interdire  aux nationaux de leur pays d’en partir pendant de longues périodes.

Mais les avantages fiscaux ne suffiront pas toujours à convaincre les exilés, met en garde The Economist. « Le salaire annuel moyen au Portugal s’élevait à un maigre 12 000 euros en 2018, soit moins de la moitié de la moyenne de la zone euro. Les cols blancs des multinationales pourraient hésiter à retourner au Portugal s’il n’y a pas d’emplois comparables, déclare M. Nuno Cardiga [un conseiller fiscal de la firme BDO]. Cela est peut-être en train de changer. Google et BMW ont ouvert des centres d’assistance technique à Lisbonne et Porto. »

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