Elections européennes : les populistes ont dépassé leur apogée

Les élections européennes inquiètent : des entreprises, des politiciens et une partie de la population redoutent que les populistes enregistrent des scores historiques, et qu’ils raflent un grand nombre de sièges au Parlement européen. Ils pourraient alors faire avancer leur agenda anti-européen, et parfois eurosceptique… Mais selon une étude de l’agence de presse Bloomberg, il est peu probable que nous assistions à ce scénario.

Elle affirme que les partis populistes ont atteint leur apogée, et qu’il est probable qu’ils sont maintenant voués à connaître un certain déclin. Et même s’ils parviennent tout de même à gagner les suffrages d’un grand nombre d’électeurs, cela ne leur confèrera guère plus de pouvoir qu’aujourd’hui, en raison d’un certain nombre de facteurs. « Le scrutin de l’Union européenne pourrait au contraire s’avérer être le point culminant pour les insurgés », écrit Bloomberg.

Victimes de leur grande variété

En effet, les partis populistes sont d’abord les victimes de leur grande variété. On n’en dénombre pas moins d’une cinquantaine dans les 27 pays membres de l’UE (en excluant la Grande-Bretagne). Au total, 161 députés issus de mouvements populistes occupent actuellement un siège au Parlement européen, ce qui représente plus de 20 % de cette assemblée. Toutefois, plus de 60 % de ces eurodéputés populistes proviennent de seulement 6 pays.

Les récents sondages et les résultats des élections passées suggèrent que les partis populistes augmenteront de moitié le nombre de sièges qu’ils occupent dans ces 6 pays. En extrapolant ces résultats à l’UE, on arrive à la conclusion que ces partis pourraient s’emparer de plus de 30 % des 705 sièges du nouveau Parlement.

Mais quand on examine plus avant la situation, on se rend compte que ce n’est pas acquis. En France, le Front national, rebaptisé « Rassemblement national », est en stagnation, tout comme le Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban. En pratique, un unique mouvement se prépare théoriquement à enregistrer une grande victoire : le parti de la Ligue du Nord du Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini.

Quelques points communs… dans des idéologies différentes

En outre, ce qui rassemble les partis populistes, c’est leur penchant nationaliste, leur scepticisme à l’égard de l’UE, et leur rejet éventuel de l’immigration. Mais certains d’entre eux sont issus de partis traditionnels de gauche et de droite, et ils respectent encore ce clivage, ce qui n’augure rien de bon concernant leur capacité à collaborer. L’Italie, actuellement dirigée par une coalition formée d’un parti d’extrême droite, la Ligue, et d’un parti plutôt de gauche, le M5S, en fournit une bonne illustration. Ces derniers temps, les partenaires de coalition ont eu toutes les peines du monde à cacher leurs désaccords et mésentente.

De plus, un tiers des eurodéputés populistes qui avaient été élus lors des élections européennes de 2014 ont quitté la formation qu’ils représentaient, et font maintenant campagne sous la bannière de partis « mainstream », ou de partis dissidents fondés entretemps. Il sera donc très compliqué pour tous ces mouvements populistes de s’entendre et d’éviter les luttes de pouvoir.

Une affiliation à un groupe déterminée par le clivage gauche/droite de la politique traditionnelle

Une autre difficulté qu’ils devront surmonter est leur éparpillement dans des groupes politiques très divers, souvent sur la base de leur orientation politique (gauche/droite), et la dilution qui en résulte. L’un des partis populistes les plus visibles, le Fidesz d’Orban, est ainsi allié au groupe PPE (Parti populaire européen). Il y côtoie la CDU de la Chancelière allemande Angela Merkel,  et le  Parti populaire chrétien-social du président de la Commission européenne et ex-Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. (Les deux groupes les plus importants au Parlement européen, celui du PPE et celui du S&D (Alliance progressistedes socialistes & démocrates), représentent à eux deux 55 % des sièges du Parlement). 

Les mouvements les plus à gauche (tels que le parti grec Syriza ou le parti espagnol Podemos) se retrouvent dans le groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL). D’autres font partie du Groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE), ou de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE), aux côtés du VVD (le Parti populaire libéral et démocrate), parti de l’actuel Premier ministre hollandais, Mark Rutte.

Les groupes vraiment eurosceptiques se sont dépeuplés depuis 2014

Cependant, un grand nombre d’eurodéputés populistes sont rassemblés dans les groupes les plus eurosceptiques. Ceux-ci incluent notamment le 3e plus grand groupe au parlement européen, celui des Conservateurs et réformistes européens (CRE, 75 sièges), et celui de l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD, 46 sièges), actuellement dirigé par l’eurosceptique Britannique Nigel Farage.  En 2015, la Française Marine Le Pen a lancé un nouveau groupe appelé l’Europe des nations et de la liberté. Ce dernier vise à rassembler les partis d’extrême droite, et compte pour membres le Rassemblement national, le Parti pour la liberté du Néerlandais Geert Wilders, la Ligue du nord de Matteo Salvini, et le parti de la Liberté autrichien.

Mais cette nouvelle formation ne devrait pas vraiment changer la donne. Car depuis 2014, on a enregistré pas moins de 47 défections d’eurodéputés populistes, qui se sont pour un grand nombre reclassés dans des partis traditionnels.

N’en déplaise aux politiciens eurosceptiques, les citoyens européens sont attachés à l’UE

Enfin, même si Salvini parvient à fédérer quelques mouvements d’extrême droite, il est peu probable qu’il réussisse à infléchir les convictions d’une majorité de citoyens européens qui n’ont jamais été aussi favorables à l’UE, en dépit de leur désamour pour les partis traditionnels.  En novembre, un sondage commandé par la Commission européenne et mené par Eurobarometer a révélé que 68 % des citoyens de l’Union européenne estimaient que leur pays avait bénéficié de son adhésion au bloc. Cette opinion était même majoritaire dans 21 pays. Par contraste, en 2014, elle ne l’était que dans 8 pays seulement. Ce revirement s’explique pour partie par le Brexit, et la déstabilisation qu’il a entraînée pour le Royaume-Uni, et à laquelle nous sommes témoins.

Lors des élections de 2014, les populistes avaient progressé dans la plupart des Etats-Membres et réalisé de meilleurs résultats que lors de leurs élections nationales précédentes. Mais leur soutien s’est érodé dans au moins 10 Etats membres, même s’ils sont entrés au gouvernement dans 11 pays membres.

Selon Bloomberg, c’est leur capacité à retenir dans leurs rangs les députés qui seront élus au mois de mai qui fera toute la différence, et qui décidera s’ils seront assez puissants pour influer sur le Parlement européen, ou s’ils sont condamnés à y figurer comme un faisceau de courants marginaux.

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