“Monnaie pleine” : la Suisse ne sera peut-être plus le paradis des banques dimanche soir

Les Suisses voteront dimanche à l’occasion d’un référendum leur proposant de réformer le système bancaire du pays. Ils devront décider d’une possible interdiction aux banques de prêter plus d’argent qu’elles n’en ont en dépôts. Les détracteurs du référendum, parmi lesquels on trouve la banque centrale elle-même, ont qualifié le vote de « suicidaire ».

Le référendum sur la “monnaie pleine” interdirait aux banques de prêter plus d’argent qu’elles n’en ont en dépôt. En conséquence, il conférerait le monopole de la création monétaire à la banque centrale du pays, qui deviendrait ainsi l’unique source de création monétaire.

Dans cette hypothèse, le système monétaire suisse se démarquerait franchement des systèmes bancaires classiques, dans lesquels les banques commerciales ont le pouvoir de “créer” de la monnaie en accordant de nouveaux prêts.

Les activités de dépôt et de crédit des banques sont déconnectées

En effet, on pourrait penser que l’argent que les banques commerciales prêtent correspond à celui qui leur a été confié par leurs déposants, et que de ce fait, les crédits n’existent que parce qu’il y a des dépôts. Mais c’est le contraire qui est vrai, et les deux notions sont déconnectées. Lorsqu’elles consentent un crédit, les banques se contentent d’inscrire une ligne dans un livre de comptes. Le bénéficiaire de cette “ligne de crédit” va pouvoir mobiliser cette somme pour acquérir des biens ou des services, ce qui signifie que des tiers gagneront cet argent, et qu’au final, les banques créent de la monnaie en accordant des crédits.

Le Graal : empêcher les récessions et les chocs économiques

La banque centrale suisse a été créée en 1891 pour mettre fin à l’émission de monnaie incontrôlée des banques commerciales, qui avait été à l’origine de crises et de faillites bancaires. Mais comme partout ailleurs, les banques commerciales ont contourné le monopole d’émission de la banque centrale en émettant des prêts (sans disposer nécessairement des avoirs correspondants), ce qui a rouvert la porte à la spéculation, l’inflation ou la déflation, et les crises qui en découlent.

La crise financière de 2008, et la nécessaire intervention de l’Etat suisse pour empêcher l’effondrement du système bancaire suisse, ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour une frange de la population helvète. Avec ce vote, ils espèrent éradiquer définitivement ce type d’épisode.

Un petit groupe d’économistes et d’autres partisans, adeptes des préceptes des théories monétaires de leurs illustres confrères Irving Fisher, Milton Friedman ou encore Maurice Allais, ont ainsi rassemblé les 100 000 signatures nécessaires pour que la proposition “monnaie pleine” soit soumise au scrutin national.

La banque centrale suisse elle-même n’en veut pas

Leurs détracteurs préviennent qu’une telle réforme du système bancaire suisse, qui serait une première mondiale, pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’économie. Parmi eux, on trouve le gouvernement, le parlement, mais aussi la banque centrale suisses. Son gouverneur, Thomas Jordan, évoque “une expérience inutile et dangereuse, qui infligerait de gros dégâts à notre économie”. Ces institutions redoutent que la limitation des prêts  accordés aux entreprises et aux ménages étouffe la croissance. Selon son Institution, l’introduction de la “monnaie pleine” ne permettrait pas d’éviter les crises, car elle ne protégerait pas les banques des erreurs qu’elles commettent en sous-estimant les risques.

La société de cotation S & P estime qu’une telle réforme pourrait même « affecter la solvabilité des banques suisses ».

Un sondage récent, commandé par la chaîne de radio publique SRF, conclut que 54% des personnes sondées sont contre cette mesure.

Au cours du même weekend, les Suisses devront également se prononcer sur une réforme de la réglementation sur les jeux de hasard.

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