L’Italie distribue de l’argent gratuit… aux mauvaises personnes

En Italie, le Movimento Cinque Stelle ou M5S (mouvement 5 Étoiles) a acquis une réputation mondiale pour son projet de « revenu de citoyenneté ». Grâce à cette mesure, le parti espère tenir l’une des principales promesses de sa campagne électorale. Cependant, cette proposition est également l’objet de plusieurs critiques. Dans un premier temps, ce qui est inquiétant, c’est que cette expérience est en train de devenir un cauchemar administratif. Il sera plus difficile de cibler les groupes de population qui en ont réellement besoin. Par ailleurs, l’Italie pourrait faire face à une nouvelle forme de fraude.

En Italie, la pauvreté menace environ 20% de la population. Une personne sur dix est confrontée à de graves pénuries.

Groupes cibles

Le « revenu de citoyenneté » devrait permettre d’une part de réduire les inégalités et d’autre part, de simplifier la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle il pourrait théoriquement intéressé tant la gauche que la droite. Cette mesure concerne les ménages qui gagnent moins de 9.360 euros par an. Le « revenu de citoyenneté » est composé d’une aide au revenu et d’une allocation au logement.

Le système s’adresse aux retraités ainsi qu’aux personnes en âge de travailler. Les entreprises bénéficient d’un rabais sur leurs cotisations de sécurité sociale lorsqu’elles engagent un bénéficiaire du revenu citoyen. Les citoyens actifs doivent accepter un emploi convenable sinon ils risquent de perdre cet avantage.

Ce concept est cependant une version moins radicale que le système de revenu de base universel expérimenté par la Finlande. En 2015, la Finlande avait décidé de garantir un revenu de base à chaque citoyen, sans distinction et sans condition. Toutefois, le système italien vise des groupes de population qui doivent répondre à certaines conditions.

« Malheureusement, la proposition italienne n’a que peu de l’esprit révolutionnaire de l’idée de Milton Friedman d’un simple revenu de base garanti pour tous les citoyens, sans emploi ou non. Elle ressemble davantage à un programme classique d’aide au travail », écrit le journaliste économique Ferdinando Giugliano dans une chronique de l’agence de presse Bloomberg.

Selon Giugliano, après une grave récession et une faible reprise, il est de plus en plus nécessaire d’aider les populations italiennes laissées pour compte. Toutefois, le problème, c’est que cette expérience risque de devenir un cauchemar administratif, ce qui rendra encore plus compliquée la tâche de cibler les groupes de population qui en ont le plus besoin.

Cauchemar imminent

L’Italie doit clairement aider ses pauvres. Pourtant, le nouveau plan risque de cibler les mauvaises personnes. Les deux groupes les plus vulnérables en Italie sont les étrangers et les familles nombreuses. Un ménage avec au moins un membre étranger a deux fois plus de chances d’être confronté à un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale qu’une famille totalement italienne. Les familles de cinq membres ou plus sont également plus exposées que les ménages plus réduits.

Toutefois, seules les personnes résidant en Italie depuis au moins 10 ans peuvent recevoir le revenu citoyen. Le soutien à un ménage d’un seul enfant est très généreux. Mais l’argent supplémentaire versé pour chaque enfant est proportionnellement moins élevé. Par conséquent, une famille de cinq enfants aura essentiellement le même montant qu’une famille de trois enfants. Cela permet de réduite le coût du programme du Mouvement 5 étoiles, mais cela risque également de pénaliser les plus démunis.

L’administration est un autre obstacle sérieux, explique Giugliano.

Les agences d’emploi italiennes – en particulier dans les régions les plus pauvres du sud – sont particulièrement inefficaces. Il faudra des années pour que la nouvelle structure fonctionne correctement. Le revenu de citoyenneté devrait débuter à partir du printemps. Cependant, la fonction publique risque de ne pas encore être prête.

Enfin, il existe un réel problème de conformité. Le régime est très généreux avec les citoyens qui prétendent ne rien gagner. Cela s’applique aux couches les plus pauvres de la population, mais aussi aux fraudeurs fiscaux. L’Italie a un sérieux problème avec les fraudeurs. L’Etat doit durcir son système de contrôle afin de s’assurer qu’ils ne prospèrent pas.

En outre, ces contrôles risquent d’aller à l’encontre du respect de la vie privée. Enfin, il faut également prendre en compte le travail au noir. Les employés pourraient en effet combiner salaire non déclaré et revenu citoyen, conclut Giugliano.

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