Les hologrammes des artistes décédés sont une bénédiction pour les fans et les maisons de disques

Cette année, la défunte chanteuse britannique Amy Winehouse fera une tournée mondiale… sous la forme de son hologramme. Elle s’illustre ainsi comme l’une des artistes ressuscités sur scène grâce à la technologie. Mais ce procédé soulève des questions épineuses.

C’est Mitch Winehouse, le père d’Amy Winehouse lui-même qui a expliqué qu’une version hologrammique de l’artiste britannique, décédée brutalement à l’âge de 27 ans en 2011, donnerait une série de concerts de 2 heures tout autour du monde cette année, avec l’assistance d’un groupe de musiciens, bien vivants, quant à eux.

Michael Jackson, Roy Orbison, la Callas ou Frank Zappa

Ce n’est pas la première fois qu’un artiste du monde musical fait « son come back » sur scène après son décès, grâce à son hologramme : au mois d’octobre dernier, le crooner Roy Orbison, mort depuis 30 ans, est apparu sur une scène à Los Angeles, où il a donné un spectacle d’un peu plus d’une heure (notre photo de couverture).

Michael Jackson, décédé en 2009, a aussi donné un spectacle aux Billboard Music Awards de 2014, et participe également à One, un spectacle que le Cirque du Soleil lui a dédié. De même, son frère Tito a récemment annoncé qu’il étudiait avec ses autres frères Jermaine, Jackie et Marlon la possibilité de reformer le groupe des Jackson 5 grâce à son hologramme. 

Enfin, Tupac a donné un concert au festival Coachella en 2012, plus de 10 ans après sa mort. Frank Zappa, Ronnie James Dio, l’ancien chanteur de Black Sabbath ou Maria Callas, ont aussi eu leur spectacle ou leur tournée hologrammique.

Une technologie en 2D et pré-enregistrée

Actuellement, il s’agit encore de projections d’images précédemment enregistrées en 2D, plutôt que de véritables hologrammes. Ces images sont pré-enregistrées pour être diffusées lors des concerts, et il ne s’agit donc pas de prestations en direct. L’imagerie repose sur un réseau neuronal complexe pour reconstruire le visage de la célébrité en question. Selon Alki David, dont la société Hologram USA détient les droits de création d’hologrammes de Billie Holiday, Jackie Wilson, entre autres, cette technique est celle du « Smoke and mirrors », une technique de prestidigitation donnant l’impression que l’artiste flotte sur scène, grâce à un projecteur caché dont le faisceau, reflété dans un miroir, est projeté sur un nuage de fumée, lequel créée à son tour une image mouvante de ce reflet. 

Bientôt, l’artiste hologrammique pourra improviser

Pour obtenir cet effet, les sociétés telles qu’Hologram USA font appel à un sosie de l’artiste en question, dont ils filment les gestes et les pas de danse. Ils lui associent ensuite une version numérisée du visage de la star défunte, reconstituée à partir des images enregistrées du vivant de l’artiste. L’étape suivante consiste à animer ce visage, là encore en faisant appel au sosie dont on reproduit les mouvements faciaux. Lorsque celui-ci dit « bonjour » au public, les caméras qui suivent son visage interprètent ses gestes et adaptent le visage virtuel de l’artiste, pour que ses lèvres bougent de la même manière que s’il prononçait ce mot lui-même. Ainsi, il est possible de faire interagir la version hologrammique de la star décédée avec son public.

La technologie évolue constamment, et ces visions sont de plus en plus réalistes. Les images sont de plus en plus opaques, grâce aux améliorations apportées aux projecteurs. L’intelligence artificielle et le machine learning devrait également permettre de créer des animations en direct, au cours desquelles ces images virtuelles pourront interagir avec le public, et même improviser. 

Un vide juridique et un public partagé

Pour les firmes qui exploitent ce procédé, ainsi que pour les maisons de disques, le potentiel est colossal. Car la technologie permet d’ouvrir une nouvelle source de revenus grâce à la conception de nouveaux produits à partir des spectacles visuels et musicaux réalisés du vivant de l’artiste. Ceux-ci sont particulièrement bienvenus, à l’ère des plateformes de streaming, où les revenus des enregistrements musicaux ont été laminés. 

De même, les sociétés qui conçoivent ces hologrammes se livrent une guerre féroce pour prendre de l’avance en termes d’innovations, et des procès pour violation de brevets ont déjà été intentés. « Tout le monde se rend compte que c’est l’avenir, tout le monde essaie de prendre les devants », commente Jeff Pezutti, le CEO et fondateur de l’une de ces sociétés, Eyellusion.

Mais, comme c’est souvent le cas avec les réalisations numériques, le cadre juridique est virtuellement inexistant, si l’on peut dire. Aux Etats-Unis, par exemple, il existe un concept juridique appelé « droit à la publicité », qui permet à une personne ou à ses ayant-droits de profiter de son image. Mais ce que prévoit cette loi dans le cas où la personne dont on commercialise l’image est décédée varie d’un Etat à un autre. 

Enfin, les fans sont partagés concernant ces spectacles donnés outre-tombe. Pour certains, il s’agit d’un concept horrible, visant à exploiter l’image d’une personnalité pour gagner de l’argent, et donc, à lui manquer de respect. D’autres sont tout simplement émerveillés de pouvoir revoir les artistes qui les avaient fait vibrer. 

Plus