“Les expériences de revenu de base menées dans le monde sont toutes vouées à l’échec”

La Finlande a récemment annoncé qu’elle ne poursuivrait pas une expérience de revenu de base qu’elle mène actuellement. Depuis janvier 2017, 2000 chômeurs tirés au sort percevaient chaque mois 560€ sans aucune condition. Le versement de cette somme était maintenu même si le bénéficiaire retrouvait un emploi.

D’ici une vingtaine d’années, la robotisation aura mené à la suppression d’un très grand nombre d’emplois. Dans ce contexte, la mise en place d’un revenu universel de base est souvent présentée comme une solution pour pallier le manque de revenus des millions de chômeurs qui résulteront de cette évolution.

Étudier les effets d’un revenu de base sur l’emploi

L’objectif de l’expérience finlandaise, qui devrait s’achever à la fin de cette année, était d’étudier l’effet produit par une hausse des incitations financières sur le travail. Autrement dit, de tester si les chômeurs étaient enclins à accepter des emplois mal rémunérés lorsque ceux-ci ne remettaient pas en cause leurs prestations sociales.

Le gouvernement finlandais semble avoir changé d’orientation, et se dirige maintenant vers un « crédit universel », un système dans lequel les prestations sociales et les crédits d’impôts sont fusionnés en une prestation unique dégressive en fonction des revenus, comme l’a indiqué le ministre des finances  Petteri Orpo dans le journal Hufvudstadsbladet.

Une échelle inadéquate

D’après Antti Jauhiainen et Joona-Hermanni Mäkinen, cofondateurs du groupe de réflexion Parecon Finland, l’expérience était de toute façon vouée à l’échec. Ils observent tout d’abord qu’une expérience aussi courte menée sur une aussi petite échelle ne pouvait de toute façon fournir de résultats probants. C’est aussi l’avis de l’économiste finlandais Olli Kangas. « Nous aurions dû avoir plus de temps et plus d’argent pour obtenir des résultats fiables », déplore-t-il.

En outre, le gouvernement conservateur finlandais était probablement le moins bon candidat pour mettre en place ce type d’expérience, peu conforme à son idéologie. « Rapidement, il était devenu évident que le Parti du Centre, qui mène la coalition au pouvoir, n’avait aucune intention d’expérimenter de façon adéquate le revenu universel de base, ce qui aurait réclamé de mener une étude bien plus vaste et bien plus longue, comme beaucoup de scientifiques l’avaient recommandé », écrit le New York Times. Pour tester le revenu universel de base de façon valable, il faudrait donc y mettre plus de cœur, et effectuer l’expérience sur une bien plus grande échelle, concluent les 2 auteurs.

Les expériences de revenu de base ne sont jamais menées avec de vrais revenus

Jordan Pearson, de Motherboard, pointe de son côté que les expériences de revenu universel de base qui sont menées actuellement tout autour du monde sont quasiment toutes vouées à l’échec, en raison de leurs conditions de mise en œuvre.

En effet, les sommes versées ne correspondent pas à celles d’un revenu minimum. Par exemple, le revenu de base universel finlandais est de 560 € par mois, mais le plus petit loyer que l’on puisse trouver dans le pays pour un studio se monte à 650 € en moyenne. La ville de Stockton, en Californie, versera 500$ par mois (environ 418 euros) à quelques personnes, tandis que l’Écosse envisage de donner « jusqu’à » 600 livres (environ 680 euros). Même si ces montants sont souvent supérieurs à ceux des allocations qui sont actuellement versées aux personnes sans ressources, ils ne peuvent être assimilés à un revenu dans la mesure où ils ne permettent pas de couvrir au moins un loyer.

Une expérience menée dans l’Ontario se montre plus généreuse, avec des versements mensuels de 1400$ (environ 1169 euros) par mois pour les personnes seules. Mais ce montant est inférieur de 25% au salaire minimum garanti national, ce qui implique là encore qu’il ne s’agit pas d’un revenu.

Autrement dit, toutes ces expériences maintiennent les participants en deçà de la ligne de pauvreté. Par définition, aucune ne teste donc les effets du versement d’un revenu permettant d’assurer une existence normale.

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