Les économistes commencent à s’inquiéter des dégâts causés par les monopoles

Les économistes se penchent de plus en plus sur les conséquences d’existence de monopoles. Ce problème a été la seconde question d’importance abordée lors d’une récente réunion annuelle de l’American Economic Association à Atlanta.

Les économistes se préoccupent en effet du pouvoir de ces monopoles, et de la pression qu’ils exercent sur les salaires et la croissance. En outre, des militants mettent de plus en plus en cause une  réglementation laxiste qui a favorisé la vague de fusions à laquelle nous avons assisté au cours des dernières décennies.

L’approche traditionnelle contre les monopoles est devenue obsolète

Ils admettent désormais que l’approche traditionnelle pour résourdre le problème des monopoles ne suffira pas, car les légidlateurs ne saisissent pas toujours les implications réelles d’une fusion lorsqu’ils ont à statuer sur celle-ci, et de plus les autorités ne disposent pas de l’arsenal législatif adéquat pour s’opposer à la puissance excessive des groupes puissants et étendus issus de ces opérations. 

En effet, on évalue traditionnellement la nécessité de démanteler les monopoles à l’aune du « bien-être du consommateur », lequel consiste souvent à évaluer le pouvoir de l’entreprise sur son marché (c’est à dire, à l’examen des prix, en gros). Récemment, Ioana Marinescu, une economiste de l’université de Pennsylvanie, et Herbert Hovenkamp, un professeur de droit, ont proposé de compléter cette approche, en prenant en compte l’influence des fusion sur les salaires. 

Nancy Rose, une économiste du Massachusetts Institute of Technology (MIT), objecte cependant que la nécessité d’engager des procédures judiciaires contre les entreprises pour les empêcher de fusionner peut-être coûteux et compliqué. Les autorités risquent de devoir plaider le dossier devant un juge qui pourrait n’avoir qu’une connaissance limitée de ses implications exactes, alors que de leur côté, ces entreprises ne se donnent aucune limite financière, et peuvent faire appel à des juristes chevronnés pour bâtir leur défense. 

Des décisions de démantèlement peu efficaces

Or, dans la plupart des cas, ces fusions entraînent des augmentations de prix, même lorsque les dirigeants de ces entreprises avaient promis le contraire. Et dans le cas où une décision de démantèlement est prise pour lutter contre ces effets pervers, celui-ci s’effectue souvent sur une base géographique, ce qui conduit souvent à la création d’entités régionales qui conservent leur part du marché locale, sans véritable incidence positive pour les employés et les consommateurs. Car, pour ces derniers, en effet c’est souvent la concentration locale qui prime, plutôt que la concentration nationale.

Idéalement, il faudrait pouvoir scinder ces monopoles de façon à retrouver la situation d’origine avant la fusion. Mais bien souvent, une fusion implique la fusion de plusieurs services, et dès que celle-ci est effective, il n’est plus possible de faire marche arrière. 

Un arsenal plus complet de mesures est nécessaire

Une politique antitrust n’est donc pas suffisante, et il est nécessaire de prévoir un arsenal de mesures plus complet. L’une de ces mesures complémentaires peut consister à faire intervenir les syndicats, à obliger les entreprises à veiller à la représentation des salariés au conseil d’administration, et à mettre en place une législation sur le salaire minimum.

L’homme d’affaires et militant Nick Hanauer propose également d’imposer des exigences supplémentaires aux entreprises disposant d’un grand pouvoir sur leur marché, par exemple, de les obliger à verser des salaires supérieurs, ou d’octroyer des avantages à leurs employés. Et pour contourner la difficulté de l’évaluation du pouvoir de l’entreprise sur son marché, M. Hanauer propose la concentration du marché, la domination sur les entreprises locales indépendantes et les écarts de rémunération au sein de la même entreprise.

« Des normes du travail progressistes pourraient être prises en compte en dernier recours. Si les approches traditionnelles – une combinaison de loi anti-trusts, de syndicats plus forts, de salaires minimum et peut-être, d’une participation des salariés à la gestion de l’entreprise – ne fonctionnent pas, des sanctions directes à l’encontre des entreprises dominantes pourraient être la seule alternative », conclut Noah Smith de Bloomberg

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