L’économie du partage a ses limites: en Chine, des millions de nouveaux vélos sont de trop

Il y a quelques années, en Chine, la location de vélos partagés semblait constituer un nouveau secteur économique en plein essor . Des centaines de start-ups espéraient conquérir le monde avec cette nouvelle tendance. Cette activité, grâce à laquelle les cyclistes utilisent des applications sur smartphone pour localiser et déverrouiller des vélos à la location, était une industrie en forte croissance dans le pays. Désormais, la plupart des fabricants et des usines ont disparu.

Les immenses piles de bicyclettes, laissées à l’abandon dans de nombreux lieux publics, constituent le triste témoignage d’un modèle économique en ruine.

Marché en croissance

« Ces dernières années, les entreprises chinoises espéraient découvrir un nouveau marché en croissance dans le secteur de la location de vélos partagés », explique Didi Tang, correspondant du journal britannique The Times en Chine.

La société Liyade Bicycle, un des fabricants de la ville de Wangqingtuo ayant survécu, produisait 30.000 vélos par mois lorsque la conjoncture était bonne. Depuis lors, la production a fortement chuté. L’entreprise ne fabrique plus que 1.000 à 2.000 vélos par mois. « La société n’acceptait pas les commandes de bicyclettes partielles et travaillait surtout pour l’exportation », soulignent les experts. « Les commandes domestiques se sont presque toutes évaporées », explique un employé de Liyade Bicycle.

Durant son heure de gloire, le secteur de la location de vélos partagés a même reçu le soutien du Premier ministre chinois Li Keqiang. Selon lui, la location de vélos partagés était l’une des plus grandes inventions modernes du pays. Le capital-risque a afflué. Les start-ups débordaient d’argent et planifiaient des programmes d’expansion internationale importants. Toutefois, la plupart de ces programmes ont été soldés par un échec. De nombreux fabricants ont disparu. D’autres ont dû réduire considérablement leur production.

La guerre des prix a rendu de nombreuses sociétés totalement non rentables, mais les commandes de vélos ont afflué alors que les doutes sur le modèle économique grandissaient.

Piles de vélos abandonnés

Il y a deux ans, les usines chinoises produisaient 23 millions de bicyclettes pour plus d’une centaine de start-ups de location de vélos. L’offre a inondé le marché chinois, détruisant la demande intérieure. La flamme a commencé à s’éteindre l’année dernière lorsque la demande a chuté ou s’est avérée avoir été surestimée, explique le journaliste.

De nombreuses entreprises de location de vélos ont disparu ou ont été rachetées. La plupart du temps, ces entreprises ne pouvaient pas payer leur personnel. Ofo, qui était autrefois l’un des leaders du marché, tente désespérément de se restructurer pour survivre.

Par conséquent, de nombreuses piles de vélos partagés inutilisés encombrent les villes chinoises. Les autorités locales ont ordonné leur retrait. Des centaines de milliers de vélos indésirables ont été jetés dans des fosses communes.

Le photographe chinois Wu Guoyong a parcouru une vingtaine de villes l’année dernière pour documenter le phénomène. La plus grande pile, située à Xiamen, était composée de 100.000 vélos entassés formant un monticule de dix mètres de haut.

Le photographe a décrit le phénomène comme l’incarnation de la société capitaliste du jetable. Il a comparé cela aux producteurs laitiers qui détruisent le lait excédentaire afin de maintenir le niveau des prix.

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