Le populisme alimente le scepticisme à l’égard des vaccins

Un lien peut être établi entre le populisme et le scepticisme à l’égard des vaccins, affirme Jonathan Kennedy, professeur de santé mondiale à l’Université Queen Mary de Londres. Selon Kennedy, nous sommes face à une crise politique européenne qui risque de devenir une crise de santé publique. Selon un récent sondage du consultant Eurobaromètre, près de la moitié des Européens pensent que les vaccins sont dangereux pour la santé humaine.

Statistique troublante

« Il s’agit d’une statistique troublante », explique Kennedy. « On observe une tendance inquiétante : la méfiance et le scepticisme à l’égard des vaccins sont en hausse, en particulier dans les pays où les partis populistes ou anti-establishment ont voix au chapitre. »

Selon Jonathan Kennedy, ce phénomène menace d’anéantir des décennies de lutte intensive des acteurs de santé publique contre les maladies infectieuses. Ce risque est encore plus important en ce qui concerne la rougeole. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en 2016, on a recensé en Europe 5.273 cas de rougeole, contre 23.927 en 2017 et 82.596 cas en 2018.

Selon le consensus scientifique, les vaccins sont sûrs et efficaces. Les vaccins sauvent entre 2 et 3 millions de vie chaque année, indique l’OMS. A lui seul, le vaccin contre la rougeole a réduit le nombre de décès de 2,6 millions dans le monde en 1963 à environ 100.000 de nos jours.

Toutefois, alors que les avantages des vaccins sont si clairs, près de la moitié de la population européenne estime qu’ils sont si dangereux.

Andrew Wakefield

En 1998, Andrew Wakefield, ancien gastro-entérologue, a affirmé dans un article qu’il existait un lien entre le vaccin ROR (rougeole, rubéole et oreillons) et l’autisme. Ce papier a par la suite été éliminé et Wakefield a été rayé du registre médical britannique car il avait agi de façon malhonnête et déloyale.

« Mais le mal était fait et ses idées continuent de jouer un rôle de premier plan dans les théories du complot au sujet des vaccins », explique Kennedy. En outre, le mouvement anti-vaccin a également bénéficié de l’aide de partis populistes européens.

Des pays tels que la France, la Grèce et l’Italie, où les populistes font de bons résultats, affichent des niveaux plus élevés de scepticisme et de méfiance à l’égard des vaccins. Inversement, des pays comme le Portugal et la Belgique, où le soutien aux partis populistes est faible, sont moins sceptiques quant aux avantages des vaccins.

Populisme technologique

Selon le professeur Kennedy, le populisme et le scepticisme à l’égard des vaccins sont animés par des sentiments similaires : la méfiance et l’animosité à l’égard des élites et des experts. En politique, cela se manifeste par un soutien aux mouvements anti-establishment. Sur le plan de la santé publique, cela se traduit par une suspicion et une hostilité envers les autorités médicales et les médecins qui font la promotion des vaccins.

« Nous sommes face à une forme de populisme technologique », affirme Kennedy. Ce terme a été inventé par le sociologue Harry Collins pour désigner le scepticisme extrême et uniforme vis-à-vis de l’expertise scientifique.

Les politiciens invoquent souvent la liberté de choix pour justifier leur oppositions aux vaccinations obligatoires.

« Mais ils comprennent mal le problème. On pourrait soutenir que la liberté de choix pourrait être étendue à la liberté de prendre des mauvaises décisions sur le plan de la santé personnelle. Mais la décision de ne pas faire vacciner ses enfants est quelque chose de différent. Cela n’affecte pas seulement votre propre santé, cela peut également avoir des conséquences sur vos enfants et sur ceux d’autres personnes », explique le scientifique.

Pour protéger efficacement la société, environ 95% de la population doit être vaccinée. Seul un tel pourcentage peut offrir une protection aux personnes qui ne peuvent pas être vaccinées car elles sont trop jeunes ou parce que leur système immunitaire est affaibli.

« Dans un monde idéal, il ne serait pas nécessaire de rendre obligatoire la vaccination des enfants. Les parents prendraient leur décision en se basant sur les preuves convaincantes des avantages des vaccins. Hélas, nous ne vivons pas dans un tel monde. À l’heure où la moitié de la population européenne croit aux rumeurs non fondées selon lesquelles les vaccins sont dangereux, l’État doit appliquer de toute urgence des vaccins obligatoires afin de protéger les membres les plus vulnérables de la société contre les dommages potentiels d’individus mal informés », conclut le Jonathan Kennedy.

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