Le “phénotyping digital” : le nouveau champ d’activité de la Silicon Valley s’intéresse à votre vitesse de frappe

Votre empreinte digitale, c’est-à-dire la fréquence avec laquelle vous postez des messages sur les réseaux sociaux, la rapidité de vos clics et de votre frappe, et même le nombre de fois que vous vérifiez votre téléphone tard dans la nuit sont des indices qui pourraient témoigner de votre état de santé. Cette hypothèse a donné lieu à l’émergence d’une nouvelle discipline technologique, le “phénotyping digital”.

L’objectif est de déterminer l’état de santé des personnes en fonction de leurs interactions avec leurs appareils numériques, mais aussi de déterminer l’efficacité des traitements administrés.

Facebook

Parmi les start-ups qui s’intéressent à ce nouveau champ d’activité, on trouve Facebook, qui a récemment annoncé qu’elle scrutait les messages et les vidéos postées sur le réseau social aux États-Unis et dans quelques autres pays à la recherche de signes (tels que des messages de proches demandant si tout va bien) annonciateurs de pensées suicidaires.

Parfois, le réseau social adresse une notification empathique enjoignant à appeler un service d’aide. Pour les cas les plus dramatiques, le service contacte les services d’urgence pour qu’ils se présentent au domicile de l’utilisateur. Cela se serait déjà produit plus d’une centaine de fois.

Mindstrong

Mindstrong, une start-up de Palo Alto, étudie quant à elle l’utilisation des smartphones à la recherche de changements dans les mouvements qui pourraient indiquer des signes de dépression. Un ensemble de signaux, comme la précision et la vitesse de clic et de frappe des utilisateurs, la vitesse avec laquelle ils font défiler des éléments dans une liste, peuvent être révélateurs d’un début de dépression. La start-up participe également à une étude sur les traumatismes.

Mais elle ne sait pas encore quelles seront les applications pratiques pour le monde médical. Cependant, la firme a déjà fait appel à des experts juridiques et des experts de l’éthique pour tenter de prévoir toutes les conséquences qui pourraient en découler.

ShareCare

ShareCare, une société de santé numérique basée à Atlanta, utilise une technologie de reconnaissance, analyse les niveaux de stress des utilisateurs lors de leurs appels téléphoniques.

Pour Jeff Arnold, l’un des cofondateurs de ShareCare, cette analyse de la voix est « un selfie émotionnel ». Les entreprises d’assurance préconisent déjà d’utiliser cher Caire pour maintenir une bonne santé et réduire les coûts des soins. L’entreprise n’enregistre pas le contenu des appels qu’elle scanne mais elle collecte les numéros de téléphone des interlocuteurs, sans les avertir préalablement de cette collecte.

Selon Jennifer Martin Hall, porte-parole pour ShareCare, la catégorisation des voix des utilisateurs peut les aider à être plus conscients de leur stress à l’égard de leurs relations jour après jour. Cependant, d’autres chercheurs pensent que cette surveillance peut avoir l’effet inverse, et qu’elle peut augmenter inutilement le stress de personnes qui était jusqu’alors très calmes.

Du vent… et des dérives potentielles

Mais cette discipline est tellement nouvelle, et si marginale que pour certains, il ne s’agit rien de plus que du vent, et qu’il peut être parfois présomptueux de tirer des conclusions sur des comportements inhabituels qui peuvent n’être parfois… que des comportements inhabituels.

D’autres s’inquiètent déjà des dérives potentielles de cette nouvelle fonctionnalité. « Une fois que vous êtes caractérisés comme suicidaires, est-ce que ce sera associé pour toujours à votre nom? », se demande Franck Pasquale, professeur de droit à l’université du Maryland. Il se demande également qui pourra avoir accès à ces informations.

Selon Will Nevius, un porte-parole pour Facebook, le réseau social efface les notes associées aux messages postés après 30 jours. Ceux qui sont associés à une intervention d’urgence sont conservés dans un système séparé qui n’est pas lié au profil des utilisateurs. Les autres startups affirment aussi la main sur le coeur qu’elles protègent les données ainsi recueillies.

Quoi qu’il en soit, l’apparition de ce nouveau champ d’activité ne réjouit pas le professeur Pasquale : 

« C’est comme si nous étions perpétuellement à l’école et que nous soyons perpétuellement notés de toutes ces façons par toutes ces entreprises qui ont le plus de données sur nous ».

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