Le nouveau monde : l’argent est gratuit, pourquoi ne pas en profiter?

Nous vivons dans un monde inversé. Les taux d’intérêt continuent de baisser. Quiconque prête de l’argent pour aider les autres doit les payer, celui qui emprunte de l’argent parce qu’il en a besoin reçoit une prime en plus.

La nomination surprenante de Christine Lagarde, directrice du FMI, à la tête de la BCE en tant que successeur de Mario Draghi promet peu de changements. La Française, une politicienne sans expérience dans une banque centrale, a déclaré en 2016 que « les taux d’intérêt négatifs sont bénéfiques pour l’économie mondiale« . Avec Lagarde, un non-économiste est à la tête de la BCE pour la première fois. Elle bénéficie sans aucun doute d’un soutien politique : l’année dernière, elle a été nommée la troisième femme la plus puissante du monde par le magazine économique Forbes. La politisation de la BCE semble être un fait.

Quiconque achète des obligations d’État allemandes à 10 ans doit payer une prime de 0,35 %. Les obligations d’État françaises de même maturité coûtent à l’investisseur 0,05 % de prime. La Belgique en bénéficie également. Même le taux d’intérêt sur les bons du gouvernement italien sur 2 ans est descendu en dessous de zéro mardi matin.

Et opter sur des échéances bien plus lointaines pour gagner plus d’intérêts qu’ailleurs ? Bonne chance. Les obligations souveraines autrichiennes sur 100 ans rapportent un intérêt de 1,15 %. Ceux qui confient leur argent à l’Etat suisse pour 50 ans perevront un intérêt de 0,01 %.

Les pourcentages susmentionnés sont des records. Mais pour combien de temps ? Parce que les taux d’intérêt continuent de baisser. Plus de la moitié des dettes de la zone euro rapportent déjà un taux d’intérêt négatif. Le graphique de gauche montre l’évolution des rendements des obligations d’État avec une échéance de 10 ans depuis 2002 (Allemagne + France + Pays-Bas + Belgique, Autriche + Finlande). À droite, le même graphique entre janvier 2016 et juillet 2019.

Pas un problème cyclique mais un problème structurel

Le problème n’est donc plus cyclique, mais structurel. Le fait que le monde ne soit pas en récession ou au lendemain d’un krach boursier, ce qui pourrait justifier un tel taux d’intérêt, prouve qu’il s’agit bien d’un problème. Problématique aussi, parce que cette situation encourage les politiciens à dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas et à contracter des dettes qu’ils ne peuvent supporter. La montagne de la dette mondiale portant un taux d’intérêt négatif avoisine aujourd’hui les 13 000 milliards de dollars. Un record absolu.

L’argent est gratuit, profitons-en

Les politiciens et une série d’économistes se demandent pourquoi ils ne bénéficieraient pas de cette situation, puisque l’argent est maintenant gratuit. Le dernier en ligne est l’ancien économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard. Dans le journal économique français Les Echos, il explique une nouvelle fois qu’avoir davantage de dettes n’empêchera personne de dormir. Les politiciens apprécieront, le citoyen ordinaire et l’épargnant un peu moins, car pour eux, l’argent est tout sauf gratuit. De plus, l’histoire nous enseigne qu’aucune crise financière n’a jamais été résolue en faisant tourner la planche à billets.

Pourquoi les gens sont-ils disposés à accepter un taux d’intérêt zéro contre le blocage de leur argent sur une période aussi longue ?

Dans une note à ses clients, Patrick Artus, économiste en chef de la banque d’investissement française Natixis, explique ce phénomène. Pourquoi les gens sont-ils prêts à accepter un intérêt nul lorsqu’ils bloquent leur argent sur des durées aussi longues ? La réponse est simple : les obligations d’État ont exactement la même fonction que la monnaie fiduciaire.

« Les dettes publiques au cœur de la zone euro sont liquides, sans risque de défaut et à faible inflation, sans risque de hausse des taux d’intérêt, pour autant que ces taux restent proches de zéro à long terme. Elles sont parfaitement échangeables contre de l’argent et sont donc considérées par les investisseurs comme l’équivalent de l’argent. »

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