Le Japon rejoint le club des destinations lassées du tourisme de masse

Le Japon semble voué à rejoindre le club des destinations lassées de la « pollution touristique », qui inclut Venise, Barcelone et Amsterdam, et qui décident de légiférer pour encadrer les activités touristiques. Airbnb en est une première victime. Les autorités japonaises ont en effet pris des mesures pour restreindre son activité, qui lui déjà coûté des millions de dollars.

Ce jour, une nouvelle loi entre en vigueur au Japon, qui oblige les propriétaires fonciers à se faire enregistrer auprès du gouvernement avant de pouvoir légalement mettre leurs maisons à la disposition de plateformes de location de courte durée, telles qu’Airbnb. Une loi récente avait déjà restreint les minpaku, c’est à dire les locations de courte durée, à un maximum de 180 jours par an. De plus, les autorités locales ont la possibilité de réduire encore davantage cette durée.

Des touristes à la rue

Cette restriction a fait chuter de façon spectaculaire le nombre de d’hébergements proposés sur le site d’Aibnb. Alors qu’on en recensait plus de 60.000 au printemps, on en trouvait plus qu’un millier la veille de l’introduction de la loi. La procédure serait tellement fastidieuse que beaucoup de propriétaires auraient renoncé à enregistrer les hébergements qu’ils proposent.

Pire, le 1er juin, les autorités japonaises ont informé la firme qu’elle devrait annuler toutes les réservations (il y en aurait plusieurs milliers !) pour les clients qui envisageaient de séjourner dans des maisons non enregistrées entre les 15 et 19 juin. La firme a annoncé qu’elle avait mis en place un fonds de 10 millions de dollars (environ 8,6 millions d’euros) pour indemniser les victimes de ces annulations, qui se retrouvent à la rue. 

Les Japonais ne sont pas préparés au tourisme de masse

Cette situation est la conséquence de la relation de plus en plus tendue entre les touristes et leurs hôtes japonais. Ces dernières années, les touristes avaient boudé le Japon, pour partie en raison des incertitudes sur le yen, mais surtout à cause de la catastrophe de Fukushima en 2011, et de la peur des radiations. Mais grâce aux campagnes publicitaires orchestrées par le gouvernement, les touristes sont revenus… et en masse.

On a recensé un record de 28,7 millions de touristes en 2017, soit une augmentation de 250% depuis 2012. Pas moins  de 7 millions d’entre eux étaient des Chinois, mais les visiteurs de Corée du Sud, de Taiwan, de Hong Kong, de Thaïlande et des États-Unis ont aussi compté parmi les plus nombreux. Pour l’année 2020, durant laquelle Tokyo accueillera les Jeux Olympiques, le gouvernement table sur le chiffre de 40 millions de visiteurs. Le problème, c’est que les Japonais ne sont pas préparés à cet essor du tourisme, et pour de nombreuses personnes vivant à proximité des sites les plus emblématiques du pays, il s’agit d’une véritable nuisance. Les plaintes pour tapage nocturne, tri incorrect des ordures, ou problèmes de sécurité se sont multipliées.

Des hordes de touristes, fascinés par la culture du Japon, se ruent sur les sites où son expression est la plus typique. Ils guettent les geisha des quartiers de Kyoto pour obtenir des selfies, par exemple. “Le problème, c’est qu’ils croient que Kyoto est leur propre studio photo privé. J’ai vu des Maikos [ apprentie geisha, ndlr] fondre en larmes et repousser les gens qui voulaient prendre une photo avec elles. Elles ne sont pas là pour être exposées. C’est un environnement de travail vivant”, explique Peter MacIntosh, un guide touristique de la ville.

La ville de Kyoto a déjà pris des mesures, et elle n’autorise plus l’hébergement privé dans les zones résidentielles qu’entre la mi-janvier et la mi-mars, une période de l’année que les touristes évitent en général. 

Le Japon se protège contre l’économie du partage

Les tribulations d’Airbnb au Japon sont assez représentatives de l’approche du pays au regard de l’économie du partage, et elle explique largement pourquoi celle-ci y demeure relativement sous-développée, contrairement aux autres économies développées.

Les puissants lobbys japonais des différents secteurs dans lesquels les grandes firmes de l’économie du partage ont réussi à s’imposer, de même que la réglementation japonaise, et l’inquiétude de la population à l’égard de ses pratiques, l’ont tuée dans l’oeuf.

Le gouvernement encourage l’économie du partage, mais uniquement dans les régions rurales privées de certains services, où la location entre particuliers peut offrir une bonne alternative. Ainsi, certaines régions du Japon échappent à l’interdiction de location de voiture avec chauffeur de type Uber. 

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