L’Autriche inaugure le premier “bail-in” européen d’une banque en faillite

Suite à une décision des autorités financières autrichiennes, l’Autriche est devenue le premier pays de l’UE à recourir à la réglementation de la directive européenne BRRD sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances, entrée en vigueur au début de cette année. Depuis le 1er janvier de cette année, en effet, le sauvetage des banques avec l’argent des contribuables (“bail-out”) est donc – en théorie – proscrit. Désormais, il est prévu d’effectuer un « bail-in », c’est à dire de mettre à contribution les actionnaires, puis les détenteurs d’obligations, et enfin, les déposants qui détiennent au moins 100.000 euros (le montant du dépôt garanti) sur des comptes ouverts auprès de l’institution en faillite.C’est la Heta Asset Résolution AG, la structure de defaisance (“bad bank”) issue de la faillite d’Hypo Alpe Adria, qui inaugure donc le recours à cette réglementation. Cette banque est confrontée à un déficit de 7,5 milliards d’euros que ses créanciers veulent maintenant récupérer par voie contentieuse. L’un de ces créanciers n’est autre que la banque franco-belge Dexia, qui est exposée à Heta par l’entremise de sa filiale allemande à hauteur de 395 millions d’euros.Hypo Alpe Adria (HAA) était à l’origine une petite banque de la Carinthie. Au début de ce siècle, l’établissement avait été repris par la Bayerische Landesbank, une banque allemande. La banque autrichienne avait tiré son essor en étendant son marché aux pays de l’ex-Yougoslavie, alors prospères, mais après la faillite de Lehman Brothers en 2008, Hypo Alpe Adria est entrée dans de grandes difficultés, ne parvenant plus à se refinancer sur les marchés, tandis que les créances douteuses se sont amassées dans son bilan. Fin 2009, Bayerische Landesbank s’est retirée de son capital, et HAA a été nationalisée par le gouvernement autrichien, mais cela n’a pas suffi pour régler ses difficultés financières.En 2013, ses pertes se sont élevées à 2,7 milliards d’euros, alors que l’Etat autrichien l’avait renflouée à hauteur de 3,6 milliards d’euros. Le gouvernement souhaitait résoudre le problème, mais la banque était invendable. En outre, elle bénéficiait d’une garantie de 12 milliards d’euros accordée par le Land de la Carinthie, qui, si elle était actionnée dans le cadre de sa banqueroute, aurait pu entraîner une faillite de la région. Or, les recettes fiscales de cette dernière ne se montent qu’à 2 milliards d’euros par an ; le déblocage de cette garantie était donc totalement impensable, de surcroît non prévu par la Constitution.Le régulateur bancaire autrichien a opéré une “coupe de cheveux” (c’est à dire, une annulation pure et simple) sur les dettes échues de Heta de l’ordre de 54%, et reporté l’échéance de paiement des 46% restants au 31/12/2023. En outre, tous les paiements d’intérêts seront annulés rétroactivement au 1er mars 2015.Ce qui est particulièrement frappant dans tout cela, c’est la faible couverture médiatique de ces événements et de cette application de ces nouvelles règles bancaires de « bail-in », alors que celles-ci posent un risque majeur pour les dépôts des investisseurs, des épargnants et même des entreprises.Ce “bail-in” autrichien est une première, et dans un contexte de secteur bancaire européen sous-capitalisé et vulnérable en raison de son exposition à des produits dérivés et des problèmes de liquidité, il ne devrait pas rester un cas isolé. Bien que les comptes des déposants aient été épargnés cette fois-ci, le message est clair: les gouvernements n’hésiteront pas à appliquer les nouvelles règles.Voici le conseil de Dirk Bauwens :

« Vos économies et les miennes sont réellement en danger. Et cela en raison de l’insuffisance du régime de garantie des dépôts, de la situation douteuse des banques en Europe, ainsi que des nouvelles règles de bail-in pour elles. Il est donc conseillé d’opter pour une banque conservatrice avec des capitaux propres décents (au moins 10% de son total de bilan) et de ne pas y détenir un montant de plus de 50.000 €. »

Plus