La Russie attire les étudiants étrangers

En Russie, les universités et les collèges comptaient 229.300 étudiants étrangers il y a deux ans. Il s’agit d’une forte croissance par rapport aux cinq années précédentes. De 2012-2013 à 2017, les statistiques du ministère russe de la Science et de l’Enseignement supérieur indiquent une hausse de 139.600 étudiants étrangers à temps plein en Russie. D’ici 2025, le gouvernement russe prévoit de multiplier par trois le nombre d’étudiants étrangers pour atteindre le chiffre de 700.000.

Selon de nombreux analystes, le système éducatif est donc un instrument qui permet au gouvernement russe d’étendre son influence internationale.

Union soviétique

Les stratégies de la Russie pour influencer les pays étrangers sont bien connues, écrit Dan Peleschuk, rédacteur en chef du magazine en ligne Ozy. Cela se produit souvent de manière controversée et parfois très agressive. La Russie influence un pays voisin par exemple en l’envahissant ou en s’ingérant dans ses élections, explique Peleschuk.

Mais la boîte à outils politique du gouvernement russe pour obtenir ce qu’il veut est plus variée et plus subtile que l’on pense. Alors que la Russie s’est réaffirmée ces dernières années sur la scène mondiale, elle s’est également appuyée sur ce que les théoriciens appellent le « soft power » dans le but de prouver qu’elle est une force émergente dans le monde. A cette fin, les événements sportifs tels que les Jeux olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi et la Coupe du monde 2018 ont été un instrument extrêmement utile.

Mais l’éducation est également un instrument utilisé par la Russie pour gagner plus d’influence dans le monde. Selon les experts, dans l’enseignement supérieur, le pays a accru ses efforts pour recruter des étudiants étrangers.

Dans un premier temps, les étudiants étrangers fréquentant des établissements d’enseignement russes proviennent principalement de pays qui appartenaient à l’Union soviétique. Le Kazakhstan possède la plus grande représentation étrangère dans l’enseignement russe avec 71.000 étudiants, suivi par l’Ouzbékistan (24.500) et l’Ukraine (23.000).

La Chine est également très présente dans l’enseignement russe avec plus de 27.000 étudiants. Selon Peleschuk, ce n’est pas une coïncidence. Ces pays partagent des liens politiques, économiques et historiques étroits avec Moscou et constituent une zone d’influence privilégiée.

Intérêts

La formation de futures élites dans ces pays a toujours été une priorité pour la politique russe. Ces étudiants peuvent donc bénéficier de bourses d’études généreusement financées. Pour l’image nationale des écoles russes, le nombre d’étudiants étrangers est un paramètre important. Pour le gouvernement, la population d’étudiants étrangers est considérée comme un marqueur des performances de l’institution. Les institutions sont donc encouragées à grossir leurs rangs avec des étudiants étrangers.

« L’enseignement supérieur est sans aucun doute l’un des principaux instruments du soft power », explique Alena Nefedova, chercheuse à la Higher School of Economics de Moscou (École des hautes études en sciences économiques).

Selon Nefedova, étudier dans les grandes villes comme Moscou donne aux étudiants un aperçu précieux de la manière dont les systèmes politique, économique et social de la Russie sont construits. « Et les étudiants rapporteront ces leçons chez eux. »

Utiliser l’éducation comme un outil politique n’est pas nouveau en Russie. A l’époque soviétique, Moscou accueillait des étudiants de pays amis d’Europe, d’Afrique et d’autres, et comptait sur eux pour faire connaître le communisme à leur retour, explique Maia Chankseliani, spécialiste de l’éducation à l’Université d’Oxford. « La mobilité internationale des étudiants était un outil de la lutte idéologique et politique pour mettre en œuvre le plan de Lénine pour la conquête communiste du monde par la révolution mondiale. »

« De nos jours, cependant, il s’agit moins d’idéologie que de realpolitik, c’est-à-dire de s’assurer que vos intérêts politiques et économiques sont pris en compte. Et pour la Russie, former les jeunes esprits est un bon moyen de le faire », conclut Dan Peleschuk.

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