“La rupture de l’accord iranien sur le nucléaire n’a pas pour enjeu principal la production d’armes nucléaires”

Sans surprise, le président américain Donald Trump a décidé de dénoncer l’accord nucléaire qui avait été conclu avec l’Iran par son prédécesseur Barack Obama en 2015. Il a également annoncé que les États-Unis allaient instaurer de nouveau « le plus haut niveau » de sanctions contre l’Iran.

Trump n’avait jamais accepté l’accord, qu’il avait décrit comme étant un traité « désastreux » et « faible », mal négocié par de piètres négociateurs, pendant sa campagne électorale, et avait promis de l’abroger.

Une décision prise de longue date

La nomination de John Bolton, un ancien ambassadeur des États-Unis auprès de l’ONU, partisan de la manière forte, comme conseiller à la sécurité nationale, le 22 mars dernier, avait signé la détermination du président américain à y mettre fin, selon les observateurs de la Maison-Blanche.

« Si j’avais permis le maintien de cet accord, il y aurait eu rapidement une course à l’armement nucléaire au Moyen-Orient. Tout le monde aurait voulu avoir des armes nucléaires prêtes, au moment où l’Iran aurait eu les siennes », a déclaré le président américain. Il s’est également adressé au peuple iranien : « Le peuple d’Amérique est avec vous. Cela fait maintenant près de 40 ans que cette dictature s’est emparée du pouvoir et a pris une fière nation en otage ».

Rohani : « Nous reprendrons l’enrichissement de l’uranium en cas de nécessité »

De son côté, le président iranien Hassan Rohani a déclaré qu’il souhaitait mener des négociations avec les Européens, les Russes et les Chinois avant de décider le maintien éventuel de son pays dans l’accord, signifiant ainsi sans doute qu’il souhaitait éprouver la capacité des Européens à s’opposer aux États-Unis. « J’ai ordonné à l’Organisation iranienne de l’énergie atomique de prendre les mesures nécessaires […] pour qu’en cas de nécessité nous reprenions l’enrichissement de l’uranium sans limite », a également dit Rohani.

La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, a fait savoir que cette dernière était “déterminée à préserver” l’accord. Dans un communiqué commun, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont également affirmé leur souhait de le maintenir : « Nos gouvernements restent déterminés à assurer la mise en œuvre de l’accord et travailleront à cet effet avec les autres parties qui resteront engagées (…) en maintenant les bénéfices économiques’ au profit de la population iranienne».

L’Arabie Saoudite et Israël, deux ennemis de l’Iran alliés des Etats-Unis, ont en revanche fait part de leur soutien à la décision américaine.

Quels enjeux réels pour l’abrogation de l’accord ?

Dans le New York Times, David E. Sanger et David D. Kirkpatrick expliquent que pour Washington, l’enjeu de l’accord n’était pas tant la poursuite du programme nucléaire de l’Iran :

« Pour le président Trump et deux des alliés pour lesquels il a le plus de considération, Israël et l’Arabie Saoudite, la question de l’accord iranien sur le nucléaire ne portait pas en premier lieu sur les armes nucléaires. Le problème est que l’accord légitimait et normalisait le gouvernement religieux de l’Iran, lui ouvrant de nouveau les portes de l’économie mondiale, avec des recettes pétrolières permettant de financer ses aventures en Syrie et en Irak, son programme de missiles et son soutien aux groupes terroristes. (…)

Monsieur Trump et ses alliés du Moyen-Orient parient qu’ils peuvent rompre la perfusion économique de l’Iran et « briser le régime » en conséquence, selon la formule employée par un officiel européen pour décrire cette initiative. En théorie, le retrait de l’Amérique permettrait à l’Iran de produire autant de matériau nucléaire qu’il le désire, comme il le faisait il y a 5 ans, lorsque le monde redoutait qu’il se dirige vers une bombe atomique.

Mais l’équipe de Trump écarte ce risque : l’Iran n’a pas la force économique se confronter aux États-Unis, à Israël et à l’Arabie Saoudite. Et l’Iran sait que toute initiative pour produire une arme ne ferait que fournir à Israël et aux États-Unis un motif pour lancer une action militaire à son encontre ».

Et maintenant, un retrait du contingent américain en Syrie ? 

Reste à savoir ce que Trump décidera maintenant. On ne sait pas quelles sont les projets de la Maison-Blanche concernant la suite à donner à cette abrogation. Des membres de l’équipe de sécurité nationale pointent qu’un retrait du contingent américain en Syrie, souhaité par Trump, pose le risque de voir l’Iran y prendre position.

Un délai est prévu avant la rupture effective de l’accord, pour permettre aux entreprises américaines ayant conclu des affaires avec l’Iran de mettre fin à ces contrats. Les sanctions devraient être effectivement réinstaurées d’ici 3 à 6 mois.

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