La fin du dumping social au sein de l’UE ? Le Parlement européen adopte la réforme sur les travailleurs détachés

Le Parlement européen a adopté avec une large majorité (456 voix pour, 147 voix contre et 49 abstentions) une directive qui oblige les entreprises à verser les mêmes rémunérations aux travailleurs détachés issus d’autres pays du bloc, que ceux des travailleurs locaux.

Il s’agit d’une réforme capitale, puisqu’elle ambitionne de limiter la pratique du « dumping social » au sein de l’UE, qui consistait à faire venir des salariés provenant de pays membres où les salaires et les charges sociales ont des niveaux inférieurs pour des missions ou des chantiers temporaires, et de leur accorder le salaire minimum du pays d’accueil, à l’exclusion de tout autre avantage.

À travail égal, salaire égal

Désormais, les employeurs devront offrir à ces travailleurs les mêmes salaires qu’aux employés locaux, non seulement le salaire minimum, comme c’était déjà le cas avec la première directive de 1996, mais aussi, et c’est là l’apport de la directive, les primes, indemnités et tous les autres avantages prévus par les conventions collectives. Dorénavant, à travail égal, salaire égal, et les employeurs devront appliquer aux salariés détachés la rémunération la plus favorable entre le pays d’origine et le pays d’accueil. De même, ils ne pourront plus récupérer les frais de logement, de nourriture et de transport sur leur salaire, et devront les loger à la même enseigne que les salariés locaux.

La réforme prévoit également de limiter la durée maximale du détachement à 12 mois, avec une prolongation possible jusqu’à 18 mois.

Toutefois, le secteur des transports a été exclu de son champ d’application. Les États membres ont maintenant jusqu’à juin 2020 pour s’y conformer.

Une autre époque

Cette directive se substitue un précédent texte écrit en 1996, à une époque où l’UE comptait 15 membres, et en particulier avant l’élargissement de 2003, qui a fait entrer un certain nombre de pays de l’ex-bloc soviétique.

Sans surprise, un certain nombre de ces pays se sont opposés à ce texte lorsqu’il a été proposé par Bruxelles en 2016, craignant qu’il nuise à la compétitivité de leurs entreprises.

Pour mémoire, le salaire minimum de la Bulgarie est de 235,20 €, celui de la Roumanie, de 318,52 €, et celui de la Lituanie, de 380 €. En Belgique, le salaire minimum est de 1562,59 euros. Au sein de l’UE, le salaire minimum le plus élevé est celui du Luxembourg, qui atteint quasiment 2000 euros.

Un argument phare du Brexit

En France, Royaume-Uni et en Allemagne, beaucoup se plaignaient des pratiques de concurrence déloyale consistant à faire venir des travailleurs des pays d’Europe de l’Est beaucoup moins bien  rémunérés que leurs homologues locaux. Cet argument avait largement été exploité par les tenants du brexit en Grande-Bretagne. Ils affirmaient que la liberté de mouvement au sein de l’Union Européenne avait nui aux travailleurs britanniques dans les secteurs de la construction et de l’agroalimentaire. Certaines entreprises n’hésitaient pas à faire venir des salariés de Pologne ou de Roumanie qu’elles payaient au salaire minimum, pour réduire leurs charges salariales.

En conséquence, le Royaume-Uni compte maintenant plus de Roumains que d’Irlandais. Le nombre de ressortissants roumains qui vivaient au Royaume-Uni en 2017 est estimé à 411.000, soit une hausse de 25% par rapport à 2016. Et l’on y recense également 1 million de ressortissants polonais, ce qui en fait la plus communauté la plus nombreuse de non-Britanniques.  

Les chiffres du Parlement européen montrent qu’il y avait 2,3 millions de salariés détachés au sein de l’Union Européenne en 2016, et que la pratique du détachement a augmenté de 69 % entre 2010 et 2016.

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