La Chine dévalue sa monnaie : serait-ce le début d’une guerre des devises ?

Jeudi, la parité de la devise chinoise, le yuan, a encore perdu 1 % et vendredi, elle est tombée à son plus bas niveau en un an par rapport au dollar. C’est une conséquence de la crainte des conséquences qu’une guerre commerciale pourrait avoir sur la croissance économique chinoise. Le bras de fer commercial engagé entre la Chine et les Etats-Unis semble se muer peu à peu en une guerre des devises.

Le yuan n’est pas une monnaie fluctuant au gré de l’offre et de la demande, contrairement au dollar ou à l’euro. La banque centrale chinoise intervient dans sa valorisation en fixant quotidiennement un taux de change pivot, proche du cours de clôture de la veille, qui peut fluctuer légèrement (de plus ou moins 2 %) en fonction des transactions (dont le volume est aussi limité à une fourchette fixée quotidiennement).

Le yuan en chute libre

Mais vendredi, la banque centrale chinoise a abaissé le cours pivot du yuan par rapport au dollar, pour la 7e séance consécutive. Désormais, la parité de la devise chinoise s’établit à 6,6726 yuans pour un dollar. Depuis les 3 derniers mois, celle-ci s’est dépréciée de plus de 8 % par rapport au billet vert.

Cette décision a été annoncée quelques heures après que les autorités américaines en charge du commerce avaient annoncé une nouvelle salve de hausses de droits de douane sur les produits chinois.

Selon les analystes, la dernière baisse du yuan intervient après que la banque centrale chinoise a indiqué qu’elle était prête à accepter une monnaie plus faible. Un yuan déprécié pourrait aider les exportateurs chinois qui vendent leurs produits aux Etats-Unis à compenser partiellement la hausse des droits de douane américains. En outre, la croissance de l’économie chinoise s’est établie à 6,7 % au cours du second trimestre de cette année, son rythme le plus faible en presque 2 ans. 

Trump réitère que la Chine manipule sa monnaie

Ces fluctuations n’ont pas échappé au président américain Donald Trump, qui a déploré jeudi la chute “comme une pierre” du yuan dans une interview accordée à la chaîne de télévision CNBC : “Notre devise monte. Je dois vous dire que cela nous désavantage”, a dit Trump. Il a également exprimé son inquiétude dans un tweet : “La Chine, l’Union européenne et d’autres manipulent leurs devises et taux d’intérêt à la baisse, tandis que les Etats-Unis relèvent leurs taux, alors que le dollar est de plus en plus fort chaque jour qui passe – nous privant de notre important avantage concurrentiel. Comme d’habitude, pas une situation équitable”.

La Chine ne peut se permettre une redite de 2015…

Des économistes affirment qu’il est cependant peu probable que la Chine utilise la dépréciation du yuan comme arme de la guerre commerciale contre les Etats-Unis. Ils invoquent le chaos sur les marchés asiatiques, et la fuite des capitaux qui s’étaient produits en 2015 et 2016, lorsque la devise chinoise avait été fortement dévaluée. Les investisseurs étrangers pourraient commencer à s’inquiéter de la dépréciation des actifs exprimés en yuans, une préoccupation malvenue qui s’ajouterait à celle de la montagne de dettes chinoises.

En effet, au cours des dernières années, la Chine a tenté de compenser les effets de la crise financière en accordant un crédit massif au secteur privé. Les analystes redoutent désormais que la dette chinoise atteigne 290 % du PIB du pays dans 5 ans.  L’année dernière, on avait enregistré un niveau de 235 %.

Le Fonds monétaire international (FMI) commence également à s’inquiéter du «volcan de la dette» chinois et note que la croissance ne peut être maintenue indéfiniment par des dettes supplémentaires. Selon les observateurs, le niveau actuel de la dette chinoise a déjà provoqué une crise dans de nombreux autres pays. La peur d’une sévère correction n’est donc pas imaginaire, selon le FMI.

Mais elle dispose d’un atout de taille pour menacer les Etats-Unis

Mais au cas où une véritable guerre des devises éclaterait, la Chine conserve discrètement un atout de taille : l’Empire du Milieu est le premier bailleur de fonds des Etats-Unis. Le pays détenait près de 950 milliards d’euros d’obligations du Trésor américain à la fin du mois de janvier. “Si (la Chine) voulait appuyer sur le bouton nucléaire, si elle était déterminée à liquider ses bons du Trésor, cela aurait un impact immédiat et temporaire sur les marchés monétaires aux États-Unis”, affirme Jeff Klingelhofer, gestionnaire de portefeuille chez Thornburg Investment Management.

Les réserves en devises de la Chine, se montaient à près de 3 130 milliards de dollars à la fin février. Un tiers de ces réserves, les plus massives du monde, sont constitués de Bons du Trésor américains.

D’après Brad Setser, du Council on Foreign Relations à New York, l’Empire du Milieu peut décider à tout moment d’échanger ces actifs contre des obligations souveraines européennes ou japonaises. Mais cette substitution aurait aussi pour effet de renchérir le yuan, et de dissuader les importations chinoises en conséquence, des répercussions peu désirables pour Pékin.

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