La “capitale américaine des sans-abris” veut taxer les géants de la Silicon Valley pour résoudre ses problèmes

Le 6 novembre prochain, la ville de San Francisco, dans l’Etat américain de la Californie, pourrait adopter la “Proposition C”, une mesure visant à augmenter les recettes de la municipalité en augmentant la taxation des grandes entreprises. L’objectif est d’augmenter le budget alloué aux milliers de personnes SDF que compte la ville pour mieux leur venir en aide. 

L’objectif de la Proposition C est d’imposer une nouvelle taxe moyenne de 0,5 % sur le chiffre d’affaires des 400 entreprises de la ville dont les recettes dépassent les 50 millions de dollars. Autrement dit, elle ciblerait plus particulièrement les grosses entreprises, et notamment les géants de la technologie qui prospèrent dans la Silicon Valley voisine.

Entre 250 et 300 millions de dollars pour compléter le budget alloué à l’aide aux sans abri

Cette nouvelle taxe permettrait de lever entre 250 et 300 millions de dollars de recettes fiscales à compter de 2019. La ville consacre déjà 380 millions de dollars par an pour tenter de trouver des solutions d’hébergement à ses citoyens SDF.

Selon ses partisans, cette somme contribuerait à financer un ensemble d’initiatives, notamment des logements pour près de 5 000 personnes, la création de 1 000 nouveaux lits dans les abris d’urgence de la ville, ainsi que des programmes de santé mentale pour des centaines de personnes qui vivent actuellement dans la rue.

San Francisco, la « capitale américaine des sans-abris »

Entre 7000 et 8000 personnes sans abri vivent de façon permanente à San Francisco, ce qui a valu le surnom de “capitale américaine des sans-abris” à la ville. La majorité de ces personnes sont des Afro-américains souffrant de maladies mentales, de maladies chroniques telles que le sida, ou dépendants de la drogue.

Or, malgré sa richesse, la ville manque d’hébergements à leur proposer, et la liste des personnes sans abri en attente d’un logement disponible se compose d’un millier de noms. Ce problème provient pour une grande part de la crise du logement induite par l’essor des firmes de la haute technologie, qui ont massivement recruté, et causé une forte hausse de la demande en biens immobiliers. Désormais, un studio ou un petit deux-pièces se loue près de 3000 dollars, et l’on ne trouve plus de propriété à un prix inférieur à un million de dollars.

Cette situation a été dénoncée par Leilani Farha, Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable auprès de l’ONU, lorsqu’elle s’est rendue à San Francisco au début de cette année. Elle a comparé les conditions de vie des sans abri de la région de la Baie de San Francisco avec les résidents des pays du tiers monde, et souligné l’apparente contradiction avec l’énorme richesse de la région, en évoquant “une cruauté que je ne crois pas avoir déjà vue. »

Une patrouille spéciale pour nettoyer les excréments humains dans les rues

Le problème de la pénurie de logement n’est d’ailleurs pas le seul auquel sont confrontées les personnes sans abri dans la ville : elles sont aussi confrontées à une pénurie de toilettes publiques. En conséquence, beaucoup sont condamnées à faire leurs besoins dans la rue, et la multiplication des amas de matières fécales humaines dans les rues – il y aurait eu 21 000 signalisations l’année dernière – a motivé la municipalité à recruter une équipe de 5 personnes qui patrouillent dans les rues de la ville pour les éliminer.

Jack Dorsey contre Marc Benioff

Bien entendu, la Proposition C ne fait pas l’unanimité. Certaines des grandes entreprises concernées par cette taxation – dont les mastodontes des technologies de la Silicon Valley, qui ont largement contribué à créer la pénurie de logements – estiment que la municipalité devrait d’abord rationaliser son budget actuel, avant d’envisager de l’augmenter. Ils affirment que la proposition pourrait nuire à l’économie de la ville, et menacer des milliers d’emplois. London Breed, la bourgmestre de San Francisco, s’oppose elle-même à cette mesure.

Parmi ces détracteurs, on trouve Jack Dorsey, le dirigeant de Twitter, et de Square. “Nous avons besoin de solutions pour le long terme, pas d’actions rapides qui nous font nous sentir mieux sur le moment”, a-t-il écrit dans un tweet.

Marc Benioff, le patron de Salesforce, qui fait partie des personnalités qui soutiennent cette mesure, a engagé un bras de fer avec lui. “Nous avons 70 milliardaires à San Francisco. Ils ne font pas tous des dons d’argent. Beaucoup d’entre eux ne font que l’amasser. Ils le gardent. C’est comme ça qu’ils sont et c’est comme  ça qu’ils considèrent leur argent », a-t-il déclaré dans une interview donnée au Guardian.

Plus