Il faut sauver Venise : les problèmes d’une ville qui accueille 25 millions de touristes par an

De nombreuses villes européennes tirent une part importante de leurs revenus du tourisme, mais d’un autre côté, l’afflux massif de visiteurs nuit gravement à leur qualité de vie. Les autorités municipales d’un certain nombre de métropoles touristiques tentent de réduire les problèmes, mais sans réel succès. Dans ce domaine, Venise est emblématique.

La belle italienne a été confrontée aux problèmes du tourisme de masse bien plus tôt que les autres grandes destinations européennes, et c’est probablement elle aussi qui est confrontée aux plus gros désagréments. 

Des touristes toujours plus nombreux… 

Au cours des dernières décennies, le nombre de touristes qui se rendent à Venise a augmenté de 5 % par an, ce qui implique un doublement de ce nombre tous les quatorze ans. Il y a une trentaine d’années, Paolo Costa, un ancien maire de la ville qui était aussi professeur d’économie, avait estimé que le centre historique de la ville pourrait gérer jusqu’à vingt mille visiteurs par jour. Entretemps, ce nombre est passé à 80.000 touristes par jour pendant l’été…

Des voix se sont élevées pour interdire l’accès de la ville aux navires de croisière, qui amènent 700 000 visiteurs par an, mais il n’est guère évident qu’une telle interdiction règle les problèmes de la ville. 

Les passagers de ces croisières ne représentent désormais que l’équivalent de la population de touristes qui fréquentent Venise en dix jours. La plupart d’entre eux ne pénètrent jamais dans le centre-ville. Le vrai problème vient des touristes qui arrivent des bus et des trains. Avec l’essor de la classe moyenne mondiale, ils sont toujours plus nombreux.

… et toujours moins dépensiers

Selon l’architecte vénitien Vincenzo Casali, Venise est un laboratoire touristique, qui témoigne de ce qui attend d’autres destinations touristiques prisées. Ce qui est particulièrement préjudiciable à Venise, c’est que la beauté de la ville est concentrée sur une aire géographique réduite. Les visiteurs viennent seulement pour admirer les monuments de la ville. Venise reçoit 25 millions de visiteurs par an, mais 12 millions d’entre eux n’y passeront qu’une journée.

La plupart des beautés de Venise sont visibles gratuitement, et les touristes peuvent décider de ne rien dépenser sur place, pour réduire leurs dépenses au minimum. Mais cela est préjudiciable pour la ville, car elle reçoit moins de revenus pour accueillir toujours plus de touristes. Or, la surpopulation touristique dissuade également une classe de visiteurs plus dépensiers de choisir cette destination.

L’éviction des commerces authentiques

Mais les touristes menacent aussi l’économie locale. Le marché au poisson au pont du Rialto est de plus en plus déserté par les poissonniers, en raison de la foule de visiteur, qui les empêche de travailler normalement. Les commerces alimentaires sont graduellement remplacés par des commerces de souvenirs. Même les restaurants traditionnels ne peuvent rivaliser avec l’industrie de la restauration touristique.

Des recettes fiscales insuffisantes, et des lobbys rétifs aux changements

Malgré cette forte pression, le gouvernement de la ville ne reçoit que 3 euros d’impôts par touriste en moyenne. Un certain nombre de propositions ont été faites pour améliorer ces recettes, et permettre d’assurer les grosses dépenses de la ville (l’entretien des canaux, l’organisation d’activités susceptibles d’attirer des touristes plus susceptibles de dépenser, notamment), comme rendre l’accès à la ville payant. Ces propositions se heurtent invariablement à la dure résistance d’un certain nombre de groupes d’intérêt. Il a par exemple fallu dix ans avant que le gouvernement de la ville ne parvienne à se débarrasser d’une douzaine de vendeurs de nourriture pour pigeons sur la place Saint-Marc. Le conseil municipal a dû payer des compensations importantes pour leur faire cesser cette activité.

De même, il sera beaucoup très difficile de surmonter la résistance des 550 gondoliers et 1000 opérateurs de taxis d’eau à toute mesure restrictive. En outre, Venise est gérée conjointement avec Mestre, un quartier plus industriel situé à l’extérieur de la Cité, ce qui complique les choses, parce que les intérêts des deux sites sont parfois très éloignés.

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