La FED abaisse son taux d’intérêt : le monde aura bientôt besoin de plombiers

OPINION – La banque centrale américaine, la Réserve fédérale fédérale, réduit le principal taux d’intérêt américain de 0,25 %. C’est la première fois en 10 ans que la FED abaisse son taux d’intérêt. Le président de la BCE, Mario Draghi, a également annoncé plus tôt ce mois-ci qu’il ouvrirait à nouveau le robinet d’argent en septembre. La Banque du Japon a annoncé mardi qu’il y aurait de nouvelles baisses de taux d’intérêt. Einstein avait un nom pour les personnes qui font la même chose encore et encore tout en s’attendant à un résultat différent. Les conséquences pour l’économie mondiale seront bientôt incalculables.

Les faibles taux d’intérêt punissent les épargnants

Le Wall Street Journal a résumé mercredi la situation dans la zone euro :

«Quatre années d’assouplissement quantitatif (QE) et des taux de plus en plus négatifs dans la zone euro n’ont produit qu’une croissance anémique. Ils mettent à rude épreuve les banques des économies les plus saines du Nord du bloc tout en subventionnant l’insouciance budgétaire des retardataires du Sud et en punissant les épargnants de tous les pays de la zone. Maintenant, les politiciens veulent encore plus de ce régime, impliquant potentiellement la BCE dans les futurs drames de défaut souverain au travers de ses achats accrus d’obligations d’État. »
Les banquiers centraux ne semblent toujours pas avoir compris que trois phénomènes sociaux relativement récents ont changé le monde. La démographie, la technologie et la révolution de la génération du millénaire (économie du partage, consommation écologiquement responsable, etc.) sont les causes de la faiblesse persistante de l’inflation.

Un expert financier français a comparé l’économie mondiale la semaine dernière avec une baignoire géante avec 3 fuites. Plus l’eau est pompée dans la baignoire, plus elle est difficile à remplir. Pire encore, les fuites dans la baignoire ne font que grossir. L’argent injecté dans l’économie par les banques centrales a donc de moins en moins d’impact sur la croissance économique et l’inflation.

Les 3 fuites ne sont pas le seul problème. L’eau coule librement, mais où peut-elle aller ? Vers les marchés boursiers, l’immobilier et les autres actifs. L’inflation, introuvable dans l’économie réelle, est donc piégée dans ces derniers. L’augmentation des prix des actions (jusqu’à des « valorisations de type 1929 », qui rendent une correction douloureuse inévitable) et des prix de l’immobilier est invisible. Cela génère en retour de plus en plus d’inégalités sociales, les personnes au sommet de la pyramide des revenus investissant leur argent dans des actions et de l’immobilier, tandis que les autres essaient simplement de survivre.

Pourquoi la FED abaisse-t-elle les taux d’intérêt?

Une deuxième crise financière – potentiellement plus grave que celle de 2008 – s’annonce. Si la plus grande économie du monde abaisse ses taux d’intérêt alors que le taux de chômage est tombé à un niveau record (3,8 %), que les États-Unis ont connu 121 mois de croissance économique ininterrompue et en ont enregistré plus de 21,5 millions de nouveaux emplois depuis la fin de la récession américaine en 2010, on peut se demander ce que fera la FED lorsque de graves problèmes se poseront.

La FED a fourni une raison de défendre la « baisse de taux » en soulignant « l’incidence des développements mondiaux sur les anticipations économiques et les faibles pressions inflationnistes ». Mais en même temps, on parle d’une « croissance économique modérée » et d’un « marché du travail robuste ». En outre, la FED annonce qu’elle cessera de réduire son bilan deux mois plus tôt que prévu.

Parce que Trump le veut

C’est donc ailleurs qu’il faut en chercher la vraie raison. De echte reden moet dus elders worden gezocht. A la Maison Blanche, peut-être. On y trouve un homme qui veut être réélu l’année prochaine et qui fait pression sur le président de la FED, Jay Powell, depuis des mois, pour qu’il baisse les taux d’intérêt.

Peu avant son élection en 2016, le candidat présidentiel Trump avait déclaré que Janet Yellen, l’ancienne présidente de la FED, « devrait avoir honte » des faibles taux d’intérêt et des « fmarchés boursiers faussés » que la banque centrale avait créés avec eux. Mais alors que l’économie américaine continue de se redresser et que le chômage est pratiquement inexistant, Trump exige également des baisses de taux d’intérêt.

Trump est le champion du court terme

Trump est le champion du court terme. Les réductions d’impôt et les baisses de taux d’intérêt produisent des résultats à court terme. Il est incompréhensible que les banquiers centraux cèdent à la pression des politiciens, qui profitent de taux d’intérêt négatifs et de capitaux sans limite pour financer leurs déficits budgétaires et leurs dettes, plutôt que de mettre en œuvre les réformes indispensables. Mais ce seront donc les générations futures qui payeront la facture.

L’histoire nous enseigne trois choses. Premièrement, qu’aucune crise financière n’a jamais été résolue en tournant la planche à billets. Deuxièmement, que les politiciens qui ont déjà obtenu satisfaction ne sont pas habitués à en rester là. Et enfin, que les banques centrales qui se mettent aux ordres des politiciens deviennent rapidement inutiles.

Le monde a besoin de toute urgence de plombiers.


  • L’auteur Dominique Dewitte est co-fondateur du site Express.be. Il vit aux États-Unis.
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