Église Catholique : l’abcès ne se vide pas

Le Vatican ne parvient pas à mettre fin à la vague d’abus sexuels qui persiste depuis trois décennies au sein de l’Église catholique. Selon les observateurs, le pape François est confronté à la plus grande crise de sa papauté.

Au Chili, le tribunal a procédé à des perquisitions au sein de l’Église, des documents ont été saisis et des responsables ont été accusés de ne pas avoir signalé d’infractions pénales aux autorités judiciaires.

En Australie, un archevêque vient d’être reconnu coupable de dissimulation de sévices. De même aux États-Unis, après la démission d’un cardinal, des questions se posent quant au rôle des dirigeants de l’église qui ont détourné le regard et l’ont protégé pendant des années.

En outre, un rapport publié mardi montre que 301 prêtres en Pennsylvanie ont abusé de plus de 1 000 enfants pendant des années et que 99 d’entre eux se livraient à la réalisation de contenus pornographiques pédophiles.

Entre-temps, un nouveau scandale se pose: en Colombie, 17 prêtres se  seraient rendus coupables de maltraitance sur enfants pendant des années, mais leurs supérieurs prétendaient ne rien savoir.

L’Église a eu plus de trois décennies pour éclaircir les choses. Cela fait en effet plus de trente ans que les premiers cas d’abus sont devenus publics. Mais peu de choses se sont passées durant cette période pour protéger les victimes de tels affaires.

100 000 enfants

Pas moins de 100 000 enfants – et probablement même deux fois plus – ont été, d’une manière ou d’une autre, abusés par des prêtres catholiques. Cela représente 9 % du nombre total de prêtres, et non pas le 1 % que le Vatican évoque toujours, le militant des droits de l’homme australien et avocat Geoffrey Robertson QC écrit en 2010 dans son livre “The Case of the Pope: Vatican Accountability for Human Rights Abuse”.

Le fait que les prêtres soient condamnés au célibat – une pratique qui a été introduite seulement 900 ans après la mort de Jésus Christ – et ne pouvaient en aucun cas satisfaire leurs besoins sexuels, a conduit à des abus d’enfants massifs pendant des décennies, écrit Robertson.

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Le pape François : « 1 prêtre sur 50 est un pédophile »

En 2014, dans une interview avec Eugenio Scalfari, le fondateur du journal italien La Repubblica et un athée renommé, le pape François a déclaré que des données fiables montraient qu’un prêtre sur 50 de l’Église catholique est un pédophile. Selon le pape, ces chiffres incluent les cardinaux et les évêques, et la maltraitance des enfants est « une forme de lèpre qui infecte l’église ». Il a ensuite promis de combattre le phénomène par tous les moyens à sa disposition. Le Vatican a ensuite répliqué en déclarant que, bien que le journal ait correctement reproduit l’esprit de la conversation, les mots exacts du pape avaient été déformés.

La “culture de la résistance” au sein de l’Église catholique

Au cours des cinq dernières années, de nombreux catholiques ont vu dans le pape François une figure capable de moderniser l’église et de l’aider à retrouver sa crédibilité. Mais la manière dont il a traité ces abus laisse beaucoup à désirer. Les étrangers attribuent cela en partie à son processus d’apprentissage, mais surtout à  la “culture de résistance” notoire  qui existe au sein de l’Église contre tout changement.

Les analystes qui ont étudié la question des abus sexuels au sein de l’Église réaffirment que le Vatican n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir de nouveaux scandales. Cela met la  pression sur l’autorité morale déjà écornée de l’Église.

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Le pape n’en fait-il pas assez ?

Le pape François a pris des mesures courageuses. La récente démission de l’américain Theodore McCarrick  du Collège des Cardinaux en fait partie. Cet ancien archevêque de Washington est accusé d’abus sexuel sur des adultes et des mineurs. 

Mais le pape a également commis des maladresses. En Amérique du Sud, il a défendu l’innocence de l’évêque Juan Barros. Il était accusé d’avoir protégé un abuseur notoire. François a envoyé deux détectives au Chili, et s’est excusé après avoir entendu leurs conclusions, évoquant les “erreurs graves” qu’il avait commises. Dans une lettre aux Chiliens publiée à la fin du mois dernier, le souverain pontife a exprimé sa « honte » que l’Église catholique n’ait pas « écouté et réagi à temps » aux allégations d’abus sexuels commis par le clergé chilien. Au lendemain de l’affaire, 34 évêques chiliens ont offert leur démission en masse. Cinq d’entre eux ont maintenant démissionné.

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La transparence ? Pas pour nous …

Pourtant, l’Église catholique ne parvient pas à fermer le chapitre sur les abus sexuels. Il n’est pas question de transparence : les enquêtes et les procédures disciplinaires restent secrètes. Une proposition visant à juger les évêques accusés de négligence par une sorte de tribunal de l’église a été rejetée. Et plutôt que d’être renvoyés et condamnés, les dirigeants d’église coupables peuvent généralement démissionner sans explication. À cet égard, l’Église a  toujours été réticente à céder aux pressions politiques pour faire connaître les abus. Dans la hiérarchie du Vatican, on a en effet peur que cela ouvre la “boîte de Pandore”.

Le pape François a fait une tentative avec une lettre apostolique, dans laquelle il a déclaré que la couverture des scandales sexuels au sein de l’église pourrait conduire à la révocation des évêques en question. Mais aujourd’hui, jusqu’à cinq congrégations différentes du Vatican sont impliquées dans des enquêtes portant sur un évêque. Souvent, ce sont aussi les mêmes congrégations qui ont  nommé ces mêmes évêques auparavant. Les conflits d’intérêts sont souvent la norme plutôt que l’exception.

Mais selon Anne Barrett Doyle de BishopAccountability.org, un site qui enquête sur les abus sexuels au sein de l’Église, ce sont les crimes au sein de l’église qui restent le scandale, plutôt que les tentatives pour cacher ces crimes au monde extérieur.

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