Mieux vaut un livre papier dans votre main que 10 livres numériques sur votre e-reader

On ne possède jamais les livres numériques, les films et la musique que l’on acquiert. L’utilisateur ne possède qu’une licence d’utilisation qui peut être révoquée à tout moment. Ce fait a encore été illustré en avril par la décision de Microsoft Store de stopper ses activités, qui s’est soldée par la disparition de tous les livres électroniques des  bibliothèques virtuelles de ses utilisateurs. 

La firme de Redmond avait lancé son « Microsoft Store » il y a deux ans, mais celui-ci, qui dépendait du  moteur de recherche Edge, n’a jamais rencontré le succès. En avril, Microsoft a annoncé la cessation de cette activité, et depuis le début de ce mois, a procédé à la suppression des livres électroniques qui avaient été acquis par son entremise des bibliothèques virtuelles de ses lecteurs.

Aucune compensation valable

Ce n’est pas une première, même s’il s’agit sans doute du cas le plus spectaculaire. D’autres entreprises ont déjà eu recours à cette pratique, mais la portée de leur intervention était généralement bien plus marginale. En 2009, Apple avait fait disparaître le roman dystopien « 1984 » des bibliothèques numériques de ses utilisateurs. L’année précédente, Walmart avait fermé son magasin de MP3, après avoir suggéré à ses clients de remplacer leurs enregistrements favoris par l’achat du DVD correspondants. 

Microsoft Store a idiqué qu’elle allait indemniser les clients victimes de ces suppressions en leur remboursant leurs achats, et en leur versant 25 dollars dans le cas où ils auraient fait des annotations. Mais même si cette compensation leur évite une perte financière, elle ne suffira pas, explique Aaron Perznowski, professeur à la Case Western University. « Les consommateurs ont échangé de l’argent contre ces biens, car ils préféraient ceux-ci à l’argent », dit-il.

« Dès qu’une transaction a été menée à son terme, on ne devrait pas pouvoir  fouiller dans ma poche et me reprendre l’article en question », estime John Sullivan, directeur de la Free Software Foundation. « Cela n’est pas respectueux de la liberté individuelle ».

Des dangers cachés

Toutefois, une telle intervention est explicitement prévue dans les conditions d’utilisation du Microsoft Store, et est même spécifiée dans la rubrique des questions/réponses du site. 

Mais cet incident met en relief les dangers cachés du système des droits numériques (DRM) qui préside la plupart des achats numériques. Le concept était à l’origine une mesure de lutte contre le piratage, mais selon les critiques, il est maintenant devenu un système permettant d’enfermer les clients dans un écosystème virtuel donné.

Selon Perzanowski, ces problèmes sont de plus en plus récurrents, et même s’ils suscitent l’indignation au moment des faits, aucune mesure n’a été encore prise pour résoudre le problème. Car lorsqu’ils cliquent sur « Acheter », la plupart des consommateurs s’imaginent que cet acquisition va leur conférer des droits de propriété identiques à ceux des biens matériels.

De même, il n’existe pas non plus d’instance de régulation dédiée spécifiquement à ces questions, et même s’ils détiennent une certaine autorité, les organismes de réglementation ne peuvent généralement qu’exercer des pressions. 

Et cela ne vaut pas que pour les livres et les films. Les robots, les applications intelligentes et d’autres produits numériques, qui sont également soumis au système du DRM, peuvent entraîner les mêmes déconvenues.

« Le système a un défaut fondamental », déclare Sullivan. « L’autodestruction fait partie intégrante du concept. Il est encore suprenant et frustrant que ce soit là aussi les entreprises qui déterminent encore les règles. »

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