15 chiffres qui montrent le bain de sang qui attend le commerce de détail

1. Aux États-Unis, 4 000 magasins ont fermé leurs portes l’an dernier… pour de bon

Selon Credit Suisse, il pourrait y avoir deux fois plus de fermetures cette année. Bien que la confiance des consommateurs soit élevée et le taux de chômage faible, S & P Global Ratings s’attend à plus de faillites dans le secteur de vente au détail pour cette année qu’en 2009, lorsque l’économie avait atteint son point bas à la suite de la crise bancaire.

2. Des millions de travailleurs sont concernés

Le secteur de la vente au détail des États-Unis emploie 15,9 millions de personnes – ce qui représente un emploi américain sur neuf. Depuis 2012, l’effectif total du commerce de détail a augmenté de 1 million, mais le point tournant semble avoir été atteint. Depuis janvier, on a enregistré 50 000 licenciements dans ce secteur, et d’autres devraient suivre. Si les centres commerciaux veulent s’adapter à la baisse de la demande, ils doivent supprimer 30 % de leur espace.

3. Chaque magasin devrait supprimer 30 % du total de son espace de vente

Si les suppressions d’emplois s’ajustent à cette réduction d’espace, cela signifie que 4,8 millions de personnes risquent de perdre leur emploi – environ la moitié du nombre d’emplois américains qui ont été perdus pendant la crise financière. Par la suite, il faudra s’attendre à encore plus de suppressions d’emplois en raison de l’automatisation des magasins restants pour réduire les coûts.

4. La tendance ne se limite pas aux États-Unis

Les grands magasins japonais ferment aussi. Selon l’Association des Grands magasins du Japon, les ventes dans ces magasins sont passées de 63 milliards $ en 2000 à $ 54 milliards en 2015. Selon le cabinet de conseil Eurasia Group, 192 millions d’emplois dans le monde seraient menacés dans le secteur du commerce de détail en raison de l’automatisation.

5. Comme le rythme des projets de développement a augmenté aux Etats-Unis sur les dernières années, il y a maintenant plein de magasins

Le pays a cinq fois plus de centres commerciaux par habitant que la Grande-Bretagne. 31 % de l’ensemble immobilier commercial est absorbé par les détaillants, ce qui est l’équivalent de 150 000 terrains de football américain.

6. Le secteur du commerce de détail américain emploie maintenant 28 % de travailleurs de plus que l’industrie

Même si les salaires du personnel de la vente de détail sont faibles – une moyenne de 13 $ par heure – ce secteur reste une alternative fiable pour permettre aux personnes faiblement qualifiées de trouver un emploi. Seulement 20 % des travailleurs d’un magasin ont un diplôme universitaire.

7. Mais l’évolution des habitudes d’achat des Américains menace tout cela

Les consommateurs dépensent plus au restaurant, pour leurs vacances et – à leur grand regret – pour leurs soins de santé. Ils dépensent moins sur les vêtements, traditionnellement les produits que les supermarchés et centres commerciaux offraient le plus. Désormais, quand les gens achètent une robe ou une veste, ils veulent faire une bonne affaire, une attitude qui a émergé au cours de la récession et qui n’a pas changé depuis.

8. La part de marché des achats en ligne est passée de 5,1% en 2011 à 8,2 % l’année dernière

Ce chiffre cache les dégâts que le commerce électronique a causé à certains pans du commerce de détail. Ainsi, les deux tiers des livres, de la musique et des films sont maintenant achetés en ligne, comme les deux cinquièmes des fournitures de bureau et des jouets. Même un quart des vêtements et accessoires sont maintenant achetés en ligne.  

9. En particulier, Amazon a accéléré cette tendance et en a profité

Dans 30 villes américaines, Amazon offre aux abonnés de son service Premium (« Prime » aux Etats-Unis) la livraison en 2 heures et sans frais supplémentaires. Plus les autres magasins tentent de rivaliser avec Amazon, plus ils perdent d’argent. Les dépenses qu’ils effectuent sur la logistique et l’infrastructure cannibalisent les marges déjà fragilisées par le recul des ventes. Selon la banque Morgan Stanley, pour chaque point de pourcentage gagné sur les ventes en ligne, un magasin doit renoncer à un demi-point de pourcentage de sa marge. Et cela ne dérange guère Amazon. L’année dernière, il a raflé 50 cents de chaque dollar supplémentaire dépensé en ligne.  

10. En conséquence, le panorama américain riche en magasins souffre maintenant d’une dangereuse surpopulation

Depuis le début de l’année 2016, Macy a annoncé la fermeture de 140 magasins. Chez JC Penney, le compteur a atteint le chiffre de 138. D’autres fermetures sont inévitables. Les supermarchés ont contracté leur espace de plus de 11,5 % depuis 2006, mais les ventes ont chuté deux fois plus vite. Cela implique que pour s’adapter à la productivité de 2006 ajustée avec l’inflation, 800 autres magasins devront fermer.

11. Mais même cela ne réglera pas le problème des détaillants

La fermeture des magasins peu rentables comporte aussi des dangers : non seulement on perd des clients qui partent à la concurrence dans les magasins physiques, mais on en perd aussi des ventes en ligne. La recherche montre en effet que lorsqu’un magasin ferme dans une région donnée, ses vente en ligne déclinent aussi dans cette région.

12. Les emplois sont non seulement menacés parce que les magasins ferment, mais aussi parce que les autres magasins tentent d’accroître leur rentabilité

Souvent, l’essor de l’e-commerce est présenté comme une alternative valable pour les emplois menacés du secteur de détail. De fait, le nombre d’emploi du commerce électronique et des dépôts prend une part croissante de la population active. Ils représentent maintenant l’équivalent de 10,1 % des emplois du secteur du commerce de détail, contre 8 % il y a dix ans. Amazon recrute à un rythme effréné. En janvier, la société a annoncé qu’elle recruterait plus de 100 000 personnes aux Etats-Unis d’ici juillet 2018. Mais ces chiffres apportent peu de réconfort. Au rythme actuel des suppressions d’emplois, trois fois plus d’emplois auront disparu dans le secteur d’ici là.

13. La tendance sur le marché de l’emploi de ce secteur n’est pas favorable non plus

Burning Glass, une entreprise qui analyse les tendances de l’emploi, a d’abord conclu à une tendance positive, car entre 2014 et 2016, les suppressions d’emplois dans le secteur de la vente au détail traditionnelle ont été compensées par de nouveaux emplois dans le commerce électronique, les dépôts et les emplois de haute technologie du secteur. Mais les compétences nécessaires requises diffèrent généralement beaucoup de celles traditionnellement réclamées aux employés du secteur. Selon Burning Glass, 78 % des emplois proposés dans le commerce électronique requièrent un diplôme universitaire, comparativement à seulement 12 % dans le commerce de détail traditionnel. Même 53 % des emplois dans les entrepôts automatisés nécessitent un diplôme.

14. Les coursiers nécessitent peu de formation pour livrer des marchandises aux clients

Aujourd’hui, on recense environ 655 000 coursiers actifs. Mais c’est un nombre faible comparé à l’effectif total du commerce de détail. Les employés de magasin licenciés peuvent parfois se tourner vers les restaurants, salons de beauté et les autres sociétés qui reprennent les locaux des magasins en faillite. Mais la probabilité que ces entreprises pourront reprendre tout l’espace laissé vacant par ces commerces de détail fermé, et tout le personnel qu’ils faisaient travailler est faible, en particulier pour ceux de ces employés qui ne sont pas formés, ou à peine.

15. Le lent déclin du secteur de la distribution a été négligé par les politiciens jusqu’à présent.

Pourtant, le secteur du commerce de détail emploie 300 fois plus de personnes que celui des mines. Le Congrès républicain étudie l’idée d’augmenter les taxes à l’importation, ce qui rendrait les importations encore plus chères, et renforcerait l’érosion des marges des magasins de détail, ou les forcerait à augmenter leurs prix de vente.

Les Américains, tellement habitués à se rendre dans des centres commerciaux débordant de marchandises alléchantes, devront progressivement s’habituer à des magasins de plus en plus vides, conclut le magazine.

[Chiffres : The Economist]