La Chine emprunte désormais plus d’argent qu’elle n’en prête. Les conséquences sont énormes

Pendant près de 25 ans, la Chine a exporté plus qu’elle n’importait, et en conséquence, le solde du compte courant du pays (le différentiel entre les exportations/ investissements à l’étranger et les importations/investissements émanant d’étrangers) était toujours positif. Mais cet état de choses pourrait changer, et cette année, le pays pourrait être en déficit pour la première fois depuis 1993.

La Chine va donc changer de statut : au lieu d’être l’un des créanciers du monde, elle va devenir emprunteur net, ce qui l’obligera à libéraliser son système financier pour attirer les capitaux étrangers, affirme The Economist.

La consommation et le vieillissement de la population

Pendant des décennies, la Chine a plus économisé qu’elle n’a investi. Les familles chinoises thésaurisaient ; les industriels qui opèraient des usines sur les zones côtières du pays gagnaient plus d’argent que la Chine n’avait la capacité d’en réinvestir.

Mais maintenant, nous assistons à un renversement de cette situation. La population chinoise a commencé à consommer massivement, et les touristes chinois, à se promener dans le monde entier, et à dépenser massivement à l’étranger. Le vieillissement de population implique que les Chinois âgés commencent à puiser dans leurs économies, plutôt qu’à poursuivre leur accumulation.

Un solde de compte courant désormais structurellement déficitaire

C’est donc le prix des matières premières qui décidera du sens définitif du solde du compte courant chinois cette année. Les nouvelles tendances en matière d’épargne et d’investissement des Chinois le feront désormais pencher structurellement du côté négatif. Désormais, pour l’Empire du Milieu, les déficits risquent de devenir la norme.

Cette évolution implique que la Chine devra prendre des mesures pour attirer les capitaux étrangers. Le gouvernement chinois a déjà augmenté les quotas pour permettre aux investisseurs étrangers d’acheter plus d’obligations et d’actions chinoises. De même, il a simplifié les procédures leur permettant de souscrire ces titres à la bourse de Hong Kong.

Pékin devra libéraliser le marché financier chinois

Néanmoins, cela ne suffira pas. Les citoyens chinois sont encore confrontés à des mesures de contrôles de capitaux et les retraits d’argent qu’ils peuvent effectuer sont plafonnés. On ne sait pas si plusieurs investisseurs étrangers désireux de récupérer leurs capitaux placés en Chine pourraient les retirer simultanément. Ce type d’incertitude est susceptible de dissuader tout investisseur étranger d’investir de grosses sommes dans le pays.

Pékin redoute en principe toute instabilité financière. Mais compte tenu des distinctions qui sont faites entre les citoyens chinois et les étrangers, le système financier chinois menace d’évoluer de manière instable et corrompue, et de favoriser les fuites de capitaux.

Les autorités devraient plutôt faciliter les flux de capitaux transfrontières, et permettre aux Chinois et aux étrangers d’investir où ils le souhaitent, à l’étranger pour les premiers, et en Chine pour ces derniers.

Pour y parvenir, la Chine devra réformer son système financier, actuellement dominé par l’État. Cette étape sera nécessaire pour rassurer les investisseurs internationaux. En conséquence, le jeu du marché ainsi restauré permettra de pourvoir aux besoins en financements du pays.

Les Etats-Unis n’ont pas encore compris ce qui se passait

Malheureusement, les officiels américains en charge des négociations commerciales avec les dirigeants chinois semblent inconscients de cette évolution, et de ses implications. Au lieu d’encourager la Chine à libéraliser son système financier, ils se concentrent sur le yuan. Ils redoutent en effet que Pékin continue de déprécier la devise chinoise pour stimuler les exportations, et veulent obliger le pays à s’engager sur la stabilité de sa monnaie.

Mais c’est une mauvaise politique, affirme The Economist. « Plutôt que de lutter contre les guerres de devises du passé, l’Amérique devrait encourager la Chine à se préparer pour l’avenir. »

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