La rage de constructions chinoises en Amérique du Sud rend les Etats-Unis nerveux

La volonté chinoise d’expansion en Amérique latine suscite une grande nervosité aux États-Unis, affirme l’agence de presse Associated Press. Elle se fonde sur les investissements que la Chine envisage de réaliser au Panama, en Amérique centrale, entre autres. Depuis le 19e siècle, les Etas-Unis ont toujours considéré l’Amérique latine comme un de leurs bastions.  

Le Panama ne compte que 4 millions d’habitants, mais il revêt une grande importance stratégique, en raison de la présence du Canal de Panama. Ce canal, qui permet un passage entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique, est devenu l’une des voies commerciales les plus importantes du monde. Elle est d’une importance stratégique, à la fois pour Pékin et pour Washington. La Chine est en effet le second utilisateur du canal de Panama, après les États-Unis.

La Chine convoite le Panama

Or, la Chine envisage de réaliser des investissements au Panama dans le cadre de son initiative Belt & Road, aussi appelée « Nouvelle route de la Soie », débutée dans les années 1990. Celle-ci consiste en la construction d’un vaste réseau d’infrastructures (chemins de fer, de ports, centrales électriques et autres projets) dans des dizaines de pays à travers le monde. Les États-Unis redoutent cependant que la Chine utilise ces investissements pour accroître son influence économique et stratégique sur la planète, et vassaliser ces pays. Cette crainte est partagée par le Japon, la Russie, l’Inde et une série d’autres pays.

Selon Matt Ferchen, expert en relations sino-latino-américaines au centre Carnegie-Tsinghua de Pékin, il faut donc s’attendre à une forte réaction de la part du gouvernement américain.

Des milliards de dollars de prêts accordés en Amérique latine

Le président du Panama, Juan Carlos Varela, a accordé son soutien à l’initiative Belt & Road, tout en promettant que les relations de son pays avec la Chine n’auraient aucune influence sur ses relations avec les Etats-Unis.

Mais lors de sa visite au Panama en octobre, Mike Pompeo, le ministre américain des Affaires étrangères, a exhorté Varela à se montrer vigilant à l’égard des investissements chinois. Plus tard, lors de la réunion du G20, il a affirmé que la Chine n’était pas toujours animée de bonnes intentions : « Nous sommes tous préoccupés par la Chine, et par la manière avec laquelle elle entre dans ces pays », a-t-il déclaré.

La Chine a débuté ses investissements en Amérique du Sud dès les prémices de son projet Belt and Road. Dans ce cadre, elle a consenti 62 milliards de dollars de prêts au Venezuela, 42 milliards de dollars au Brésil, 18 milliards de dollars à l’Argentine et 17 milliards de dollars à l’Équateur. Trinité-et-Tobago a aussi confirmé son intention d’y participer l’année dernière, et une société chinoise y a déjà remporté la construction d’un quai.

Le nouveau président mexicain, Manuel Lopez Obrador, a indiqué qu’il envisageait de rejoindre le projet chinois. S’il accepte effectivement, il donnera à la Chine une tête de pont dans un pays voisin immédiat des États-Unis.

Le déclin de l’influence américaine en Amérique latine

Selon Roberto Eisenmann, fondateur du journal panaméen La Prensa, la politique du président américain, Donald Trump, avec son slogan « America First », est pour partie responsable de ces jeux d’influences. « Les États-Unis ont créé un vide en matière de leadership et les Chinois tentent de le combler, de toute évidence », explique-t-il.

Selon Margaret Myers, spécialiste de l’Amérique latine au sein du think tank Inter-American Dialogue, cette alliance sino-panaméenne pourrait avoir des répercussions importantes pour les entreprises américaines, la stabilité régionale et l’influence américaine dans la région.

Les ports aux deux extrémités du canal de Panama sont déjà aux mains d’un consortium hong-kongais. En outre, deux sociétés chinoises se sont vu accorder un contrat pour la construction d’un quatrième pont sur le canal. Néanmoins, c’est le Panama lui-même qui financera ces projets, sans faire appel à des prêts chinois.

La potentielle vassalisation des pays impliqués

Les critiques de l’initiative Belt & Road ont déjà mis en garde sur les conséquences de l’octroi de prêts massifs, et de la « vassalisation » qui pourrait en résulter pour les pays bénéficiaires. Pékin est de plus en plus souvent accusée d’avoir exploité ce projet pour piéger les pays pauvres dans des dettes insoutenables afin de les assujettir.

«Le Népal, la Thaïlande et la Malaisie, entre autres, ont déjà annulé ou reporté leurs projets avec la Chine. Ces pays ont estimé que ces projets étaient trop coûteux, ou qu’ils ne contribueraient que marginalement au dynamisme de leur économie. Il est aussi connu que le Sri Lanka et le Kenya se retrouvent excessivement endettés à l’égard de l’Empire du Millieu. « La Chine nie ces allégations, mais ne fait rien pour régler le problème », note Steve Tsang, directeur du China Institute à la School of Oriental and African Studies de Londres.

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