Carlos Ghosn gagnait 15 millions d’euros par an. Trop peu?

Dans la presse japonaise, les informations les plus improbables circulent au sujet de la présumée fraude que Carlos Ghosn, le patron du groupe Nissan-Renault, aurait commise. 

Les allégations sont telles que le conseil d’administration a décidé jeudi lors d’une réunion de crise réunissant des représentants de toutes les parties impliquées, de limoger Ghosn et l’un de ses proches fidèles, Greg Kelly, avec effet immédiat .

Pas vraiment une surprise compte tenu des accusations, bien que la décision aurait finalement été prise à l’unanimité, ce qui surprend surtout en France. Les représentants de Renault ayant assisté à la réunion de crise avaient au départ l’intention de demander la suspension de Ghosn jusqu’à la clôture de l’enquête, mais ils auraient entre-temps été convaincus par le contenu du dossier.

100 000 dollars par an pour sa sœur

Ghosn a déclaré aux autorités fiscales japonaises un salaire de 37 millions d’euros entre 2011 et 2015, alors qu’en réalité, il avait gagné le double de ce montant.

En outre, le Brésilien d’origine libanaise aurait facturé à la filiale néerlandaise de Nissan le coût de ses diverses résidences à Rio de Janeiro, à Beyrouth, en France et aux Pays-Bas, et ce, pour la modique somme de 18 millions de dollars. 

De plus, selon le journal japonais Yomiuri, Ghosn aurait demandé à Nissan de verser à sa sœur un salaire de 100 000 dollars par an depuis 2002 pour des services de conseil… fictifs et, par conséquent, jamais livrés.

Un coup d’Etat des japonais?

La presse française s’en prend à Ghosn et soupçonne qu’il s’agit d’un coup d’Etat planifié par les Japonais pour contrecarrer les projets de fusion de Ghosn souhaitait organiser avec Nissan et Renault. Le fait qu’il soit maintenant accusé de la fraude la plus improbable par son successeur désigné, Hiroto Saikawa, soulève de nombreuses questions.

Ghosn est maintenant détenu sous un régime très strict. Par exemple, il peut être interrogé sans interruption pendant 9 heures sans l’assistance d’un avocat et sa garde à vue pourra durer jusqu’à 21 jours. En outre, il peut recevoir un maximum de 15 minutes par jour de visites de sa famille et ces conversations doivent être tenues en japonais en présence d’un agent de police.

Enfin, la question est de savoir ce qu’il adviendra de la combinaison Renault-Nissan, à présent que la confiance est totalement perdue entre les deux alliés.

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Carlos Ghosn peut-il gagner autant que Kylian Mbappé ?

Naturellement, le débat sur la rémunération des hauts dirigeants s’est ouvert chez nos voisins du sud. Carlos Ghosn gagne à peu près autant que le footballeur français Kylian Mbappé, environ 15 millions d’euros par an. [C’est moins que ce que les PDG d’autres constructeurs automobiles empochent. (Voir tableau ci-dessous)]

Si l’on ne peut nier le talent de chacun d’eux, on entend rarement des critiques sur ce que mérite le footballeur, contrairement à celui qui est devenu l’ex-patron d’une entreprise qui emploie 60 000 personnes.

La seule différence entre les deux est que Mbappé avait tout contre lui pour atteindre le sommet du monde sportif, alors que Ghosn est issu d’un environnement privilégié, même s’il a eu néanmoins de très grands mérites au niveau commercial. Il a ainsi acquis une renommée mondiale grâce au sauvetage financier du japonais Nissan, un tour de force qui lui a valu le surnom de « Cost Cutter » .

Mais … le monde du sport reste plus compétitif que le monde des affaires :

1. Une fois engagés, les sportifs sont évalués uniquement sur leurs performances. Il n’existe pas de milieu de terrain médiocre qui ait réussi à avoir de la chance au football. Mais il y a beaucoup de gens médiocres qui ont réussi à grimper haut dans l’échelle hiérarchique parce qu’ils étaient au bon endroit au bon moment, qu’ils connaissaient les bonnes personnes, ou parce que leurs talents étaient mal compris ou surestimés. 

2. La seule condition pour réussir dans le monde du sport est d’être bon . Les athlètes et les footballeurs ne réseautent pas au sommet et ne sont pas sélectionnés sur la base de la grande école qu’ils ont fréquentée. 

3.  Les évaluations de performance sont complètement transparentes.  Les footballeurs et les athlètes sont évalués publiquement tous les deux ou trois jours par des bataillons complets d’experts, des CEO au mieux tous les trimestres, et souvent même, une seule fois par an.

Les hauts dirigeants français : En 30 ans, de 45 à 850 fois le salaire minimum

Le monde est en effet dans une période où certaines rémunérations ne sont plus socialement défendables. En 1989, le patron de Peugeot gagnait 45 fois le salaire minimum français, Ghosn à peine 29 ans plus tard empochait l’équivalent de 850 fois le salaire minimum français au moment de son arrestation.

Bien entendu, la mondialisation a créé un marché pour les hauts dirigeants, les actionnaires étant disposés à payer tous les salaires aux personnes qui parviennent à augmenter constamment le cours de l’action. En 1989, il n’était pas question de récompenses axées sur la performance, ni de parachutes dorés. Mais il n’y avait pas non plus de transparence sur les salaires des CEO, comme nous en bénéficions aujourd’hui.

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