Au Mexique, au moins six femmes sont assassinées par jour

Les chiffres sont renversants. Au Mexique, pays qui connaît une épidémie de « fémicides » depuis le début des années 90, six femmes sont maintenant assassinées par jour, rapporte The Globe and Mail qui cite les conclusions de l’Observatorio ciudadano nacional del Femicidio (OCNF), une organisation qui milite contre les assassinats de femmes dans ce pays. Les assassinats et les disparitions de femmes sont si fréquents au Mexique que le nouveau terme espagnol « femicidio » est définitivement entré dans le lexique, explique le média.

Les meurtres et les enlèvements de femmes ont principalement lieu dans des villes du long de la frontière américano-mexicaine comme Mexicali, la capitale de l’Etat mexicain de la Basse Californie ou encore la tristement célèbre ville de Ciudad Juarez, située au nord de l’État de Chihuahua.

Ces femmes assassinées sont souvent d’origine indienne, venant des zones rurales pauvres du Mexique attirées par la perspective d’une situation économique meilleure ou par la possibilité de traverser la frontière en direction des Etats-Unis. Selon plusieurs observateurs, le racisme structurel à l’égard des femmes autochtones dans la société mexicaine contribuerait à l’apathie des autorités mexicaines lors des enquêtes relatives à la disparition des victimes.

Parfois, on ne retrouve jamais le corps de ces femmes mais souvent, ils gisent dans le désert, séchés par la chaleur ou sont jetés dans terrains vagues ou abandonnés dans des buissons. Les meurtres de femmes au Mexique ont atteint des proportions épidémiques au cours des deux dernières décennies.

« Ce problème dure depuis si longtemps… Les mauvais traitements infligés aux femmes, principalement des femmes de couleur, l’abus envers elles, leur disparition. Cela n’arrive pas seulement à la frontière américano-mexicaine, d’autres meurtres ont lieu aussi à la frontière américano-canadienne », explique Enrique Morales qui dirige l’association Borders Angels, un groupe de bénévoles de San Diego, qui lutte pour une réforme de l’immigration. « Mais vous n’entendez pas parler de ces histoires, pourtant il est important qu’elles soient dites », poursuit Morales.

« Cette violence extrême envers les femmes comporte plusieurs aspects », explique Marisela Ortiz Rivera, co-fondatrice de l’association « Nuestras Hijas de Regreso a Casa » (« Nos filles de retour à la maison »). « Il y a la culture machiste, une sorte de chauvinisme masculin, qui est responsable de la violence domestique, de la violence de rue et de la violence contre des femmes inconnues. Il existe également de grands groupes présents à la frontière qui kidnappent et vendent les femmes, c’est un gros marché », explique-t-elle.

Au Canada, plus de 1.100 cas de femmes autochtones disparues et assassinées ont été recensés depuis 1980. Au Mexique, Ciudad Juarez est presque devenu synonyme de « fémicides » mais ces meurtres ont lieu tout au long de la frontière qui borde quatre Etats américains – la Californie, l’Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas – et six Etats mexicains – Baja California, Sonora, Chihuahua, Coahuila, Nuevo Leon et Tamaulipas.

Selon l’ONU, plus de 2.500 décès par an sont liés à la violence de genre ciblée. Selon l’OCNF, au moins six femmes sont ciblées et tuées chaque jour au Mexique. Parmi ces cas, moins d’un quart font l’objet d’une enquête. Et lorsqu’enquête il y a, seuls 2% des cas aboutissent à une condamnation par la justice. Pour le procureur général du Mexique, les coupes budgétaires et le cafouillage bureaucratique ont créé une accumulation des cas qui ont besoin de longues années d’enquête. Personne ne semble vraiment savoir combien de personnes sont portées disparues dans le pays. Mais selon Human Rights Watch, le nombres de disparues est d’au moins 27.000 depuis 2006. 

La police du Mexique affirme que ces décès et ces disparitions de femmes sont un effet secondaire du trafic de drogue et du travail sexuel. Le gouvernement estime pour sa part que beaucoup de femmes disparues vivent et travaillent aux Etats-Unis et qu’il n’y a aucun moyen de mettre la main dessus, propos contredis par les amis et familles des femmes disparues.

Marisela Ortiz Rivera, institutrice devenue militante, explique que malgré les menaces et la peur, elle compte maintenir la pression sur le gouvernement mexicain et sur la communauté internationale.

« La corruption qui existe au sein de ces cas de meurtres et de disparitions se mélange à l’impunité. En effet, la corruption des autorités est tellement enracinée que toute véritable enquête ferait s’effondrer l’ensemble de ce réseau rentable », conclut-elle.