Ralentissement économique ? L’Allemagne dispose d’un atout pour en atténuer les effets

L’Allemagne dispose d’un puissant atout pour atténuer les effets d’un ralentissement économique. Elle peut en effet compter sur une masse de travailleurs à bas salaires. Leur effectif est bien supérieur aux estimations couramment faites par les économistes.

C’est ce qu’affirme Leonid Bershidsky, expert de l’Europe, dans Bloomberg. Il souligne que récemment, Markus Grabka et Carsten Schroeder de l’Institut allemand de recherche économique de Berlin ont estimé le nombre des travailleurs à bas salaires à 9 millions en 2017, lorsque le pays s’était déclaré en quasi plein emploi.

Le moteur économique allemand basé sur le travail à bas salaire

Ce que l’on qualifie de bas salaire, dans ce contexte, c’est un salaire inférieur aux deux tiers du salaire horaire médian. Cela correspondait à 24,5 % des emplois, soit près d’un quart. Or, cette proportion est très supérieure aux 18,9 % qui avaient été évalués par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l’année 2016.

Selon les deux experts, cette proportion a dû se maintenir en 2018. En outre, elle n’intègre pas les travailleurs indépendants, ni les apprentis, ou les personnes en formation, les militaires ou les personnes actives dans des programmes de services civils. « Cela signifie que le moteur économique allemand fonctionne essentiellement sur la base de ce qui correspond à une main-d’œuvre bon marché en Europe occidentale », écrit Bershidsky.

Des salariés sans perspectives d’évolution

En Allemagne, le salaire horaire médian s’établissait à 15 euros en 2017. C’est plus qu’en 2013, mais moins qu’en 2003. Ce phénomène s’explique par les réformes du marché du travail entreprises entre 2003 et 2005, sous le mandat du chancelier Gerhard Schröder (« réformes Hartz« ). Si l’on exclut les emplois secondaires, on trouve que les travailleurs à bas salaires allemands gagnent en moyenne 19 656 euros par an, une somme qui est inférieure aux salaires moyens de tous les pays de l’OCDE, à l’exception du Mexique.

Ces travailleurs à bas salaires représentent 30 % des employés issus de l’immigration, et 33 % des employés vivant dans des Etats ayant fait partie de l’ex-RDA. en outre, on y retrouve 27,9 % des femmes au travail, contre 17 % des hommes. Toutes ces personnes ont aussi très peu de possibilités d’évolution.

Un avantage comparable à celui des pays en voie de développement

Il en résulte que l’Allemagne dispose d’un avantage comparable à celui de certains pays en développement. Il contribue à maintenir ses coûts de production relativement faibles, ce qui, en retour, permet de maintenir des prix bas. Cela explique ainsi pourquoi l’Allemagne est plutôt très abordable pour ses résidents, en comparaison d’autres pays riches. De même, cela a beaucoup contribué à faire d’elle un grand pays exportateur.

De façon remarquable, l’introduction d’un salaire minimum en 2015 a bien contribué à augmenter les salaires des travailleurs les plus pauvres, mais il n’a pas permis de réduire leur proportion. Les socialistes du SPD militent pour mettre fin aux réformes Hartz. Mais l’Allemagne ne peut pas se permettre de perdre cette flexibilité, et surtout pas alors que le pays vient d’entrer dans une période de ralentissement économique.

Reste à savoir si les principaux intéressés pourront accepter ces réalités. Selon la Fondation Hans Boeckler, plus de 1 million de journées de travail ont été perdues au profit de grèves en Allemagne en 2018. C’est 238 000 de plus qu’en 2017. Et alors que l’on ne recensait que 131000 grévistes il y a deux ans, on en a compté 1,2 million l’année dernière.

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