Les Talibans ont développé une arme de destruction massive bien plus dangereuse que les attentats

La guerre qui fait rage depuis 15 ans contre les talibans en Afghanistan serait-elle devenue le plus grand fiasco militaire de l’histoire ? Il semblerait que ce soit le cas. Bien que l’Occident ait dépensé près de 4000 milliards de dollars dans le conflit, les talibans ont gagné. Gagner en Afghanistan n’est même plus à l’ordre du jour. La véritable raison est l’héroïne. Et le plus impressionnant, c’est que nous avons déjà connu ce scénario dans une autre guerre.

La guerre qui fait rage depuis 15 ans contre les talibans en Afghanistan serait-elle devenue le plus grand fiasco militaire de l’histoire ? Il semblerait que ce soit le cas. Bien que l’Occident ait dépensé près de 4000 milliards de dollars dans le conflit, les talibans ont gagné. Gagner en Afghanistan n’est même plus à l’ordre du jour. La véritable raison est l’héroïne. Et le plus impressionnant, c’est que nous avons déjà connu ce scénario dans une autre guerre.

Autrefois, les talibans eux-mêmes ont tenté d’éradiquer la production de pavot et d’héroïne résultante. Mais ils ont finalement changé d’avis, et depuis des années, ils exploitent ce filon. De ce fait, l’héroïne est devenue la véritable raison pour laquelle il est peu probable que les choses évoluent favorablement en Afghanistan.

Pour les talibans, l’héroïne est win win, d’abord parce que c’est une vache à lait, et ensuite parce qu’ils pensent qu’ils peuvent l’utiliser pour nuire à l’Occident et à d’autres infidèles. Ainsi, la quasi-totalité est exportée vers l’Europe et les États-Unis, via le Canada.

Les zones conquises sont donc utilisées pour cultiver le pavot dès que possible. Dans la pratique, la superficie des champs de pavot a considérablement augmenté ces dernières années. Elle est passée d’environ 80 000 ha en 2000 à plus de 400 000 aujourd’hui. Même dans les zones contrôlées par le gouvernement et ses alliés occidentaux, on cultive beaucoup de pavot.

On cultive désormais 6 ou 7 fois plus de pavot en Afghanistan qu’au cours de la période précédant l’intervention de la coalition occidentale en 2002. L’Afghanistan concentre ainsi 85 % de la culture du pavot du monde, et il fournit plus de 90 % de l’opium et de l’héroïne.

Les talibans gagnent de l’argent de 2 manières sur l’héroïne. D’abord, ils prélèvent une taxe sur la plantation auprès des cultivateurs de pavot. Cette cagnotte représenterait à elle seule près de 600 millions d’euros. De plus, les talibans sont l’unique acheteur. Les agriculteurs reçoivent environ 160 € pour 1 kg de « jus noir », issu par incision des capsules renfermant les graines de la fleur de pavot. Après l’avoir affiné en héroïne, les talibans le revendent sur les marchés régionaux pour entre 2300 et 3 1500 € le kilo.

3 milliards de dollars gagnés en un an.

Sur les 12 derniers mois, les talibans ont gagné 3 milliards de dollars avec le trafic de drogue, après déduction des frais. C’est plus du double par rapport à l’année précédente.

En Afghanistan, les saisies de drogue demeurent anecdotiques : au cours des 10 dernières années, malgré la présence de milliers de soldats étrangers, seulement 450 000 kg ont été interceptés. Cela ne représente même pas 10 % de la production annuelle.

Les talibans ont non seulement investi dans l’expansion des champs pavot, mais également dans la productivité. Le rendement moyen par hectare a augmenté de 15 % depuis l’année dernière. Du coup, en l’espace d’une année, la production d’héroïne s’est développée de 87 %.

La conclusion des Nations unies est sans appel : « une rébellion et un financement des groupes terroristes accrus en Afghanistan, tandis que l’héroïne de haute qualité et à faible coût atteindra les marchés de consommation dans le monde entier, conduisant une plus grande consommation ».

Quand la neige fond

l’héroïne est également le facteur qui explique pourquoi la guerre ne sera jamais gagnée en Afghanistan.

Nous nous focalisons sur l’aspect djihadiste de ce dossier, et sur les vues extrêmes islamistes des talibans. Mais nous oublions que, souvent, les armées rebelles impliquent beaucoup de jeunes adolescents qui se battent, au moins pour partie, afin de gagner de l’argent pour nourrir leur famille.

Chaque printemps depuis 15 ans, lorsque la neige disparaît des pentes des montagnes de ce pays, un nouveau stock d’adolescents issus de villages appauvris arrivent avec l’eau de fonte. Ils sont prêts à prendre les armes pour soutenir la cause rebelle, mais ils sont surtout intéressés par les 300 $ par mois que les talibans leur versent.

C’est en effet bien plus que ce qu’ils peuvent espérer gagner en travaillant la terre.

Chaque saison, les talibans doivent donc trouver 90 millions de dollars pour payer les salaires que leur coûtent ces 25 000 combattants. On estime que depuis l’invasion de la coalition occidentale, les talibans ont déjà dépensé 1,5 milliards de dollars de cette manière, sans compter l’achat des armes et des munitions.

Selon certaines estimations, les talibans fourniraient aujourd’hui 93 % de toute l’héroïne injectée dans le monde. Ils disposeraient maintenant de 500 laboratoires, permettant de raffiner 9000 t d’opiums par an. En 2002, au moment de l’invasion de la coalition, cette production n’était que de 185 t.

Le deal qui a tout changé

Contrairement à d’autres organisations terroristes djihadistes, les talibans ne peuvent pas vraiment compter sur l’argent de pays riches ou de commanditaires du Moyen-Orient ou d’ailleurs. Personne ne sympathise réellement avec eux, pas même ceux qui, par exemple, fournissent l’État islamique, Al Qaïda et le Hezbollah sans scrupules.

Les talibans ont découvert que la drogue pouvait leur permettre de couvrir leurs coûts. C’est ce que concède également le président afghan Ashraf Ghani, un ancien fonctionnaire de la banque mondiale. « Sans drogue, cette guerre aurait été finie depuis longtemps. L’héroïne est la raison pour laquelle elle se poursuit ».

En 2009, on estime que les talibans disposaient de 50 laboratoires d’où ils raffinaient du « jus noir » pour produire de l’héroïne. Mais le mollah Naim Barich, le chef des talibans de la province Helmand du Sud-d’ouest de l’Afghanistan, a conclu un accord avec son homologue de l’autre côté de la frontière, le général Gholamreza Baghbani de la garde révolutionnaire iranienne à Anzar.

L’Iran est le principal pays de transit par lequel l’héroïne des talibans passe avant d’être dispatché vers la Russie et la Turquie (et donc dans notre région). L’accord prévoyait que l’Iran, ou au moins la garde républicaine, ne compliquerait pas les choses et détournerait le regard quand des produits chimiques nécessaires à la fabrication d’héroïne traverseraient la frontière iranienne vers l’Afghanistan. En échange, la garde républicaine pourrait prendre le contrôle des exportations à partir de l’Iran et des bénéfices qui en seraient issus.

C’est cet accord qui a fait des gardiens de la révolution et des talibans des acteurs mondiaux de la drogue. Entre-temps, ils ont également conclu un certain nombre de partenariats avec les cartels mexicains de la drogue.

Tout cela s’est produit sous les yeux de la plus grande puissance du monde, et il est illusoire de penser que les choses pourraient changer pour le moment.

Diversification

Et ce n’est pas fini, puisque les talibans sont également entrés sur le marché du cannabis.

Selon l’ONU, l’Afghanistan est maintenant le plus grand producteur de haschisch au monde, avec environ 4000 t par an.

La diversification des produits est intéressante, parce que les talibans peuvent utiliser les mêmes réseaux de contrebande que pour l’héroïne. Le gain est relativement plus faible, environ 150 millions de dollars par an. Pour les agriculteurs, la culture du haschisch est encore plus rentable que celle du pavot à opium.

À l’heure actuelle, le cannabis est cultivé sur 50 000 ha dans 17 provinces afghanes.

Le bonus : des milliers de morts dans l’Occident corrompu

Cette manne offre en outre un avantage conforme à l’idéologie des talibans : elle permet de nuire profondément aux sociétés occidentales. Et les dégâts sont bien supérieurs à ceux des attentats djihadistes dans notre région.

Voici quelques chiffres. Aux États-Unis, on dénombrait environ 750 000 utilisateurs d’héroïne au moment de l’invasion de l’Afghanistan. Entre-temps, ce nombre a été multiplié par 6, pour atteindre 4,5 millions. 2,5 millions d’entre eux sont des toxicomanes dépendants, les 2 autres millions sont enregistrés comme des consommateurs occasionnels.

Le nombre de décès liés à l’héroïne (overdoses) est passé de moins de 1800 par an à plus de 11 000. Et l’héroïne qui les tue ne provient pas du Mexique, où les cartels ne fournissent actuellement qu’un peu moins de 5 % de l’héroïne consommée aux États-Unis. La quasi-totalité provient de l’Afghanistan, et transite par le Canada.

Un air de déjà vu

les États-Unis avaient déjà été victimes d’une épidémie d’héroïne majeure il y a 50 ans. Dans les années 1960 et au début des années 1970, la CIA avait recruté la tribu laotienne des Hmongs pour combattre les forces communistes dans la région, en particulier au Vietnam.

Au cours des années 1970, pendant la guerre du Vietnam, les États-Unis ont été inondés d’héroïne qui provenait du Triangle d’or.

La CIA encourageait les Hmongs à développer l’opium pour financer la lutte armée. À l’époque, les Américains ne violaient aucune loi, parce qu’en 1971, le commerce de l’opium était légal au Laos.

CIA, bis

Bien que cela n’ait jamais été officiellement confirmé, la CIA aurait même contribué à mettre en place une raffinerie d’héroïne dans le nord du Laos.

Ce qui est certain, c’est qu’Air America, une compagnie aérienne de passagers et de frêt, qui était  secrètement détenue et gérée par la CIA, a été utilisée pour exporter l’opium laotien et l’héroïne. Une grande partie de sa cargaison finissait au Vietnam… entre les mains des soldats américains.
Les Américains ont également donné des armes au Hmongs pour combattre. Lorsque la guerre du Vietnam a pris fin, ils ont été abandonnés à leur sort, mais avec une grande quantité d’armes est un business bien rodé fondé sur l’héroïne.

Les Hmongs ont finalement été vaincus, tués et expulsés par le régime communiste. Mais l’activité de l’héroïne était toujours présente. Et elle été acquise par les Panthay et les Chin Haw d’origine chinoise, et à majorité musulmane. Dans les années 90, ils ont dominé le commerce d’héroïne du monde.

Les talibans doivent aussi leur existence à la CIA. En 1979, les Américains ont commencé à parrainer les islamistes, à former et armer les militaires, de peur que l’Union soviétique ne s’empare du pays. Ils ont continué à le faire lorsque les Soviétiques ont envahi l’Afghanistan.

Ce sont ces islamistes qui sont devenus les talibans, mais aussi qui ont donné à Oussama Ben Laden la possibilité de construire Al Qaïda. Et ces islamistes sont aussi maintenant à l’origine d’une nouvelle épidémie de drogue mortelle, qui tue chaque année plus de 10000 Américains et dévaste la vie de centaines de milliers de d’autres avec de l’héroïne bon marché.

L’héroïne permet actuellement un commandant régional des talibans de gagner facilement 1 million de dollars par mois.

La vraie question : que font les talibans avec tout cet argent ?

Cela nous amène au dernier point : les talibans ont gagné des milliards au cours des dernières années, même s’ils ont du payé des combattants et acheté des armes. Mais que font-ils de ces profits ?

Les talibans ne sont pas une bande de fanatiques religieux totalement dépourvus de sens des affaires, comme on le croit trop souvent en Occident. On soupçonne qu’une grande partie de l’argent de la drogue est réinvestie dans l’immobilier dans les pays du Golfe, mais aussi en Occident, après avoir été blanchi dans des pays comme le Pakistan.

Le fait que les talibans gagnent des sommes d’argent vraiment énormes est très inquiétant. Ils disposent maintenant de milliards pour acheter des influences et nourrir des fonctionnaires corrompus. Selon certains, les talibans économisent de l’argent et ils ne l’utiliseront que lorsqu’ils auront pris repris le plein contrôle de l’Afghanistan et que la coalition occidentale sera partie.

Et ce ne sera pas pour construire des écoles pour les filles. Il y a vraiment de quoi s’inquiéter, surtout quand on sait que les attaques du 11 septembre n’ont pas coûté plus de 300 000 € à Al Qaïda.