“Les pays du Nord de l’UE devront mettre la main à la poche pour leurs collègues du Sud”

Depuis la crise financière de 2008, les écarts entre la situation économique des pays du nord de l’UE et ceux de la périphérie n’ont fait que se creuser. Si rien n’est fait, ces écarts pourraient devenir structurels, et une croissance éternellement anémique pourrait déclencher des crises politiques. Les pays du Nord de l’UE devront donc aider leurs collègues du Sud, d’une manière ou d’une autre. 

C’est le constat dressé par les analystes de Natixis, dans un rapport récent. 

Des inégalités qui ne font que se creuser entre les pays du Nord et ceux de la périphérie

Les pays de la périphérie, c’est à dire, l’Espagnel’Italie, le Portugal et la Grèce, ont pris du retard sur les plan de leur croissance, des qualifications de leur main d’oeuvre, de leur niveau de revenus et la modernisation de leurs entreprises. 

Le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE) attribue un score de 276,3 aux pays du Nord de la zone euro (Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique, Autriche et Finlande), mais de seulement 250,2 à ceux du sud de l’Union monétaire (Espagne, Italie, Portugal et Grèce). De même, même s’ils ont eu tendance à régresser dans les tests PISA qui mesurent les performances des systèmes éducatifs des pays, les pays du Nord de la zone euro dépassent le score global de 500 (505 en 2015), alors les pays de la périphérie n’ont pas dépassé 483 entre 2009 et 2015.

Les entreprises des pays de zone euro sont aussi beaucoup plus robotisées que leurs homologues des pays du sud. En 2017, la masse de leurs robots industriels représentait 2,25 % de la main d’oeuvre de leurs usines, contre 1,50 % pour les pays de la périphérie de la zone euro. De même, elles investissent plus du double de ces dernières en Recherche et développement. 

Cette avance se ressent sur leurs niveaux de revenus. Depuis la crise financière, le PIB par tête a repris une croissance régulière dans les pays du nord de la zone euro, alors qu’il n’a que faiblement augmenté dans les pays de la périphérie. 

(Les deux graphiques ci-dessous montrent, à gauche, l’évolution comparée de la productivité par tête depuis 1999 dans les pays du nord de la zone euro (ligne violette) et ceux de la périphérie (ligne grise), et  droite, l’évolution comparée du PIB réel depuis la même époque dans les pays du nord de la zone euro (ligne violette) et ceux de la périphérie (ligne grise)).

© Natixis

Une hétérogénéité dangereuse pour la zone euro

Selon une étude de Natixis, cette hétérogénéité entre les pays du nord de la zone euro, et ceux du Sud, pourrait devenir dangereuse, car elle pourrait aboutir à une croissance structurellement faible dans ces derniers, se soldant par de faibles revenus et PIB. A leur tour, ces conséquences pourraient générer de l’instabilité politique et par une montée du sentiment anti-européen. 

Il est donc dans l’intérêt de tous les pays de la zone euro d’empêcher que ces écarts ne se creusent davantage. Selon Natixis, cela implique forcément que les pays du Nord de la zone euro devront apporter un soutien sous une forme ou sous une autre à leurs collègues de la périphérie. 

Ce soutien pourrait par exemple prendre la forme :

– de transferts publics permanents des pays du nord vers les pays du sud, grâce à la création d’un budget pour la zone euro ;

– d’investissements publics dans les pays les plus pauvres, cofinancés par des fonds européens, ou réalisés au travers d’un programme d’investissements européens, à l’image du plan Juncker (un plan d’investissement doté d’un fonds de 315 milliards d’euros, destiné à stimuler l’investissement dans l’Union Européenne jusqu’en 2017, décidé à la fin de l’année 2014) ;

– De la mise en place de dépôts de garantie pour restaurer la confiance dans les banques de la périphérie

Un argument imparable : la montée en puissance du commerce régional

Le problème, c’est de convaincre les pays du Nord de la nécessité de l’aide aux pays du Sud, notent les économistes de Natixis. « Nous pensons que le point clé est le nouveau modèle de production mondial, qui veut que la production est graduellement transférée à proximité des acheteurs finaux de biens. C’est pourquoi le commerce international s’est ralenti, par rapport au PIB mondial depuis la crise de 2008-2009. », écrivent les chercheurs. Autrement dit, la part du commerce local a tendance à croître au détriment de celle du commerce international (voir graphique ci-dessous, montrant les évolutions comparées du PIB mondial, ligne violette, et du commerce international, ligne grise, depuis les années nonante). 

Les entreprises seront contraintes de se rapprocher de leurs clients régionaux, et donc, de concentrer leurs investissements sur les régions ou pays (autrement dit, de se délocaliser dans les pays) avec une forte demande domestique. « Si les pays du nord de la zone euro veulent conserver une forte activité industrielle, la zone euro dans son ensemble devra être dynamique, sinon les activités industrielles partiront dans d’autres régions », poursuivent-ils. 

Et de conclure : « Les pays du nord de la zone euro, qui exportent des volumes importants vers les pays du sud de la zone euro devront de plus en plus compter sur une économie de la zone euro dynamique si le modèle dominant devient un modèle dans lequel la production a lieu à proximité des acheteurs finaux des marchandises ».

© Natixis

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